Édito

La peste et le covid

La peste et le covid
Manifestation anti-masques à Zurich le 29 août dernier. KEYSTONE
Suisse

Ce virus tue moins que la grippe, l’hydroxychloroquine nous en préservera, le confinement ne sert à rien (voyez la Suède!), l’épidémie est saisonnière. Aujourd’hui, en l’absence d’hécatombe, elle serait même terminée… Au fur et à mesure que le Covid-19 s’installe dans nos vies, la négation du virus et de sa dangerosité varie, s’adaptant aux démentis de la réalité. Une seule chose n’a pas changé: la méfiance viscérale d’une minorité envers les autorités – qu’elles soient politiques ou médicales – alimentée, pour beaucoup, par une vision complotiste, unicausale, du monde.

Après le Brésil, les Etats-Unis ou l’Allemagne, la Suisse romande accueillera donc samedi à Genève son premier grand rassemblement «pour la liberté». D’abord dirigé contre le masque, l’appel à la manifestation est devenu plus lisse et rassembleur, bien qu’il mette encore l’accent sur les deux principaux ennemis du noyau dur: le masque et les vaccins.

Ce changement de ton a déjà donné des résultats: la faîtière genevoise des clubs privés, fermés par le canton depuis six semaines, vient de se joindre à la cause, initiée d’ailleurs par un acteur de la nuit bien connu dans le canton. Sur les réseaux sociaux, l’appel à manifester atteint désormais des cercles peu suspects de croyances farfelues. Ce qui laisse prévoir une mobilisation conséquente. D’autant que l’extrême droite est à l’affût de ces mouvements antisystème confusionnistes dans lesquels elle aime avancer… masquée!

Dans cette rentrée complexe, où un virus plus ou moins sous contrôle régente nos vies parfois jusqu’à l’aberration, on peut bien sûr comprendre un certain ras-le-bol, l’agacement légitime de travailleurs, de parents, de créateurs, d’entrepreneurs face à des mesures sanitaires envahissantes, changeantes et parfois contradictoires. Mais une légitime méfiance et la critique des décisions publiques ne doivent pas conduire aux pires alliances, pas plus que la lassitude d’une pandémie qui s’éternise ne doit conduire à nier l’évidence.

Un ennemi invisible est le plus redoutable de tous. Mais que ceux qui doutent de sa présence tournent le regard vers la France, où les services hospitaliers sont à nouveau sous pression, et surtout vers Espagne, où l’on dépasse déjà quotidiennement le millier d’hospitalisations et la cinquantaine de morts du Covid-19. Et ce, malgré des progrès évidents dans le traitement des malades.

Cela dit, l’exemple ibérique devrait aussi alerter les partisans du principe de précaution à outrance. Peu de pays pratiquent le contrôle de l’espace public et n’utilisent le masque à toutes les sauces comme l’Espagne, sans pour autant que Madrid puisse revendiquer des résultats probants. Ou quand le mieux devient l’ennemi du bien, et les mesures «ultra» mal pensées finissent par se retourner contre leurs objectifs. Les virologues qui, en Suisse aussi, aimeraient nous faire vivre indéfiniment sous cloche, confondant la vie réelle et l’hôpital, ont sans doute des motifs honorables mais ils ne se montrent guère plus clairvoyants que les anti-masques primaires.

Cette pandémie est une course de fond, les décideurs seraient bien avisés de l’entendre s’ils ne veulent pas cumuler cet hiver seconde vague virale et déferlante populiste.

Opinions Édito Benito Perez Suisse

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