Chroniques

Divico contre l’UDC

En coulisse

Si tout le monde connaît Guillaume Tell ou Winkelried, il est une figure de l’histoire suisse qui a été injustement oubliée depuis plusieurs décennies: Divico, le vaillant chef des Helvètes, peuple celte établi sur l’équivalent des deux tiers de la Suisse actuelle. En 58 av. J.-C., ce chef d’un des nombreux clans helvètes prend le commandement de l’ensemble du peuple, car la situation est grave. Les Germains menacent les Helvètes, leurs incursions se font toujours plus violentes. Il faut fuir.

Au même moment, de l’autre côté des Alpes, un politicien romain ambitieux, Jules César, cherche à tout prix un prétexte pour mener une guerre et accroître ainsi son pouvoir militaire et financier. Il s’intéresse d’abord au royaume dace qui touche la province romaine d’Illyrie, mais change de projet et tourne son ambition vers le monde celte libre, que les Romains appellent Gaule. Il prendra prétexte de la migration des Helvètes pour assouvir son plan machiavélique.

Pour parvenir à ses fins, il divisera les peuples celtes voisins des Helvètes, leur faisant miroiter le danger que représentent ces dangereux migrants! Divico et les siens se battront vaillamment contre l’impérialiste romain et contre les traîtres gaulois, mais seront battus et massacrés dans de larges proportions. Pourquoi cette histoire est-elle si méconnue des Suisses? Pourquoi l’UDC, qui se targue d’être le grand parti national, occulte-t-elle cette histoire fondatrice de nos origines?

La réponse tombe d’elle-même. L’UDC est bien plus proche de Jules César que de nos ancêtres les Helvètes! Partie prenante de la machine capitaliste qui met les travailleurs suisses en difficulté, participe à la destruction de la planète et jette sur les routes des millions d’êtres humains fuyant la misère, l’UDC, en bon Tartuffe, désigne au peuple comme source de tous maux le travailleur immigré, le réfugié. La tactique est éprouvée: diviser pour régner, suivant les préceptes césariens, diviser les peuples entre eux, diviser les citoyens au sein d’un même peuple, diviser même les immigrés entre eux, comme tente de le faire le dernier tout-ménage de l’UDC distribué à grand frais dans les foyers romands.

Dans ce dense catalogue de propagande tartuffienne poussée à son paroxysme, certains ténors du parti tentent de démontrer qu’il existe les bons – minoritaires comme il se doit – et les mauvais immigrés. Que fermer les portes de notre pays sera bénéfique aux rares migrants qui jouiront de la mansuétude helvétique. Un condensé d’humanité en quelque sorte. Mais au delà de ce nouveau tour de passe-passe pseudo humaniste (qui rappelle le référendum genevois du même parti contre l’aide d’urgence aux plus démunis au nom de la lutte contre le travail illégal et pour le propre bien-être des travailleurs illégaux), l’UDC se présente d’abord comme la grande défenderesse du peuple suisse, le parti national par excellence.

Il n’en est évidemment rien. Ce parti est le défenseur exclusif des classes dominantes auxquelles appartiennent nombre de ses caciques et s’est toujours caractérisé par son aspect antisocial et antiprogressiste. Ses initiatives ne visent qu’à assurer les privilèges d’un petit noyau de nantis au détriment du peuple. Que nombre de citoyen-ne-s suisses d’origine modeste lui accordent régulièrement leur suffrage suscite effarement et tristesse. Dans le film Land of the dead de George Romero, une poignée d’individus parvient à détourner l’attention des morts-vivants en faisant exploser de jolis feux d’artifice devant leurs yeux ébahis. C’est ce que fait l’UDC, avec sa force de frappe publicitaire, financière, sa morgue et son absence totale de scrupules.

Si les Suisses s’intéressaient de plus près à leur histoire, elles et ils sauraient que le peuple helvète fut lui aussi un peuple de migrants, quittant son territoire contre son gré, qui rencontra sur sa route les équivalents de Trump, Poutine, Erdogan ou… l’UDC!

C’est le rôle des artistes que de rappeler cette réalité, de pallier l’ignorance savamment entretenue par les classes dominantes et leurs politiciens affiliés; renouer avec nos racines, c’est renouer avec des valeurs aux antipodes de celles de l’UDC. Etre un-e Helvète, c’est avoir soif de liberté et de solidarité. Ne nous laissons pas confisquer notre histoire par des manipulateurs xénophobes. Car c’est dans notre histoire nationale que se trouve les graines de la solidarité internationale!

Auteur metteur en scène, www.dominiqueziegler.com

A l’affiche du 22 septembre au 11 octobre: Helvetius, au Théâtre Alchimic, Carouge (GE), https://alchimic.ch

Opinions Chroniques Dominique Ziegler

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lundi 8 janvier 2018

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