Chroniques

J’veux être chef

L'Impoligraphe

Tonton, faut que j’te cause…
– Ah ouais? T’as une urgence?
– Non, mais y’a des bruits qui courent…
– Ben laisse-les courir, les bruits, c’est comme les vieux, faut que ça prenne de l’exercice…
– Ben justement, à propos de vieux, paraît que t’aurais eu une illumination le jour de ton soixante-huitième anniversaire et que tu candidates à la présidence du PS genevois?
– Ah merde, ça s’est su…
– Ouais, ça s’est su… alors comme ça, tu veux présider le PS genevois? A ton âge? tu te prends pour Bernie Sanders?
– Non, j’me prends que pour moi…
– Bah, si ça te suffit… Et d’abord, c’est quoi, cette envie d’être chef?
– Mais enfin, quoi, tout le monde il est ou veut être chef. Ou cheffe. Ou sous-chef. Ou sous-cheffe. Ou vice-chef, ou co-chef, ou vice-cheffe, ou co-cheffe. Peu importe: faut être de la chefferie. Alors, hein, pourquoi pas moi?
– Euh… peut-être parce que t’en serais incapable?
– Ah ouais? Et les autres de la chefferie, ils et elles en sont capables, toutezétous? De toute façon, à la présidence du PS, on est chef de rien. Mais on peut faire croire aux autres qu’on l’est. C’est bon pour l’ego…
– Parce qu’il a besoin d’être regonflé, ton ego? c’est nouveau, ça… Et à part l’envie d’emmerder le monde, t’as quoi comme motivation?
– Comme disait Buñuel, «l’important, c’est d’emmerder le monde, sans qu’il sache pourquoi»…
– Ouais, mais moi je veux savoir pourquoi…
– Pourquoi pas?
– C’est pas une réponse, ça…
– Disons alors que j’essaie d’appliquer un vieux principe situationniste: ne jamais être là où on devrait être… par exemple, à la présidence d’un parti gouvernemental, raisonnable, pragmatique, tout ça, quoi…
– Et tu crois que tu vas pouvoir le changer, ton parti gouvernemental, raisonnable, pragmatique?
– Chais pas, et à vrai dire j’m’en fous. Faut essayer. Si personne n’essaie, on reste dans la routine, non?
– Essayer quoi?
– Un parti imprévisible, incontrôlable, ingérable par d’autres que par lui-même, cultivant le débat, le pluralisme des positions politiques, l’ancrage au plus près du «terrain». Un parti socialiste, quoi…
– C’est bien d’avoir des rêves, à ton âge…
– C’est pas des rêves, c’est de la pataphysique, la «science des solutions imaginaires». De toute façon, avec l’âge, le temps qui passe, on devient raisonnable, prudent et pragmatique. Je ne propose plus d’abolir le salariat, la propriété privée, l’Etat, les frontières, les églises et le mariage avant la fin de l’année, je condescends à envisager qu’on y consacre une législature entière…
– Ouais, ben c’est bien ce que je pensais, tu t’es racorni… Et y’a quelle probabilité que tu sois élu?
– Euh… la même probabilité que Maudet démissionne avant la fin de son mandat, ça te va?
– Ouais. Même, ça me rassure…

Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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