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La gamme des possibles

De l’opéra au rap, de la chanson à texte à la techno sans mots, la musique se trouve souvent liée à des combats collectifs auxquels elle donne leur hymne. Le dernier numéro de Manière de voir1 examine le rapport entre musique et politique sous tous ses angles.
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Toutes les explosions collectives se dotent d’un hymne. La Marseillaise lors de la Révolution française, ¡Ay, Carmela! chez les républicains espagnols, El pueblo unido jamás será vencido pour les partisans de Salvador Allende au Chili, ou encore On est là!, le chant qui résonne lors des rassemblements de «gilets jaunes» à travers l’Hexagone.

Mais les mélodies ne sont pas toujours émancipatrices: on chante au sein du mouvement des droits civiques américain comme dans les rangs du Ku Klux Klan. La musique n’a pas de camp: elle mobilise, elle encourage, elle cristallise la colère, les aspirations de ceux qui luttent. Quelle que soit leur lutte. Avec les uns, elle appelle à la fin de la guerre au Vietnam; chez d’autres, elle excite la haine raciale.

Il arrive également que, diffusées par les enceintes d’un ascenseur, les notes anesthésient les cellules grises. Car un art rebelle peut également se montrer docile; une pratique en marge, rejoindre le centre douillet du système; et la musique se faire un agent efficace de séduction du pouvoir. Il y a des façons de mettre notre monde en musique qui le rendent désirable – ce que célèbre la fête annuelle que M. Jack Lang, ministre de la Culture, imagina en 1982, tandis que le président socialiste français François Mitterrand s’apprêtait à tous les renoncements.

Cette nouvelle livraison de Manière de voir examine le rapport entre musique et politique sous tous ses angles: l’enrôlement de la gamme dans la logique du modèle économique et social en place; sa place dans la transformation des foules en collectif, voire en force politique agissante; et sa capacité de faire résonner les rêves et les silences… pour rien. Pour ce luxe propre à tous les humains qu’est la mise en forme de ses émotions. Pour le plaisir et le partage.

Les articles, reportages et analyses qui composent ce numéro s’accompagnent d’un riche cahier documentaire et du texte de nombreuses chansons, issues des répertoires les plus variés – et pour lesquels Le Monde diplomatique propose parfois ses propres traductions. Du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky aux Guns of Brixton des Clash, des dizaines d’exemples venus des univers musicaux les plus variés rappellent que créer ou fredonner une simple ritournelle revient parfois à dégoupiller une grenade, ou à entrer dans la fraternité du chant commun contre la réduction des rêves.

1 «Musique et politique», Manière de voir, n° 171, juin-juillet 2020, bimestriel édité par Le Monde diplomatique, www.monde-diplomatique.fr

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