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La Pentecôte: moisson, propagande, réseaux sociaux

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Des fois, on suit un rituel toute sa vie et, un jour, on se demande pourquoi. Pour moi, la Pentecôte, c’était un lundi férié, un week-end prolongé où embouteillages et morts en voiture étaient à la hauteur du beau temps. Puis, bien plus tard, la jolie fête sympa et familiale de Lutte ouvrière, dans le parc d’un beau château d’Ile-de-France, avec plein de jeux pour les enfants, de musiques populaires, de gastronomie des régions de France et du monde, de conférences militantes, culturelles et scientifiques de tous bords devant des publics disciplinés, chaleureux et enthousiastes, encadrés de gentils militants qui veillent à ce que tout se passe bien. Ils ramassent les déchets et évitent les dérives en évacuant en douceur ceux qui picolent trop, sortent des substances illicites ou élèvent trop fort le ton. Bref, dans le monde d’avant, plein de gens festifs qui rendaient les lieux sans un mégot, sans une cannette, après trois jours de fête! Le miracle de la Pentecôte, c’était plus chez les trotskards que chez les curés ou les écolos! Mais pourquoi faire la révolution de Lutte ouvrière ces jours-là?

D’après quelques sources consultées en urgence, la Pentecôte était une fête juive des moissons (les moissons, c’est tôt sous le soleil de Palestine), donc sans doute récupérée de cultes néolithiques préjudaïques (que l’on préfère oublier chez les bigots, comme ceux qui ont placé Noël au solstice d’hiver païen). Puis la fête fût transformée en anniversaire de la réception de la Torah, cinquante jours après Pessah. Là, on est déjà dans le surnaturel, quand Yahweh envoie son règlement intérieur à Moïse. Cela empire encore avec les chrétiens où, toujours cinquante jours après leurs Pâques, et dix jours après qu’il s’est envolé comme Batman, Jésus envoie ses consignes à ses apôtres et disciples. Douze apôtres et 120 disciples venus de partout, dix jours après.

Là on rentre dans le système décimal. Les consignes sont claires et arrivent quasi instantanément par l’internet de l’époque: des langues de feu séparées les unes des autres tombent sur les apôtres et disciples pour leur ordonner de partir évangéliser les foules, partout à travers le monde. Et ceci grâce à un miracle linguistique qui est à la traduction google ce qu’internet est au télégraphe en morse! Non seulement les apôtres et les disciples parlent leurs diverses langues d’origine, mais ils se mettent à s’exprimer couramment dans tous les idiomes de ceux qu’ils doivent convertir! Bref, c’est une débabélisation généralisée et un projet style facebook-twitter de mettre toute l’humanité au pas. Avec un résultat du feu de Dieu – c’est le cas de le dire! –: 3000 convertis dès le premier soir! A ce rythme-là (un prophète, puis douze apôtres et 120 disciples dix jours plus tard, puis 3000 fidèles le soir même), les mathématiques nous disent que les milliards d’humains à venir auraient dû être tous convertis depuis longtemps.

Dans la pratique, ça va moins vite, même quand les disciples des disciples mettent le paquet, comme les évangélistes de l’Institut linguistique de Verano1>Ou SIL International dans les contrées anglo-saxonnes. Le siège de l’ONG est à Dallas, ndlr. et leurs concurrents, rencontrés sur quatre continents à la descente de leurs avions, hydravions et autre 4×4 chez les peuples les plus pauvres et les plus isolés de la planète. Au Sénégal oriental, par exemple, une mission évangéliste, parmi sept candidates, avait été autorisée à s’installer avec un confort style Texas dans un village animiste (choisi parce que ces Yankees croyaient bêtement que des animistes résistant à l’islam et au catholicisme seraient plus faciles à convaincre!). Leur programme: trois ans pour apprendre la langue, trois ans pour traduire la Bible en menik, trois ans pour former un pasteur local chichement rétribué, tandis que les candidats paroissiens étaient censés travailler bénévolement et faire des dons en nature pour l’église. Eh bien je peux vous dire que ça n’a pas du tout marché et que même l’ex-pasteur ne doit plus savoir ce qu’est la Pentecôte!

Notes[+]

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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