On nous écrit

Lettre du coronavirus aux humains

Alain Rouget s’imagine en coronavirus.
Pandémie

Chers humains,

En décembre dernier, j’avais trouvé un moyen fantastique pour propager mes modestes gènes presque à l’infini. C’est l’unique but de ma vie. Une toute petite modification de quelques molécules de mon brin d’ARN (vous appelez ça une mutation) et me voici en voie de me multiplier de façon inespérée, en infectant votre immense population.

Il faut dire que vous m’y avez bien aidé. En empiétant massivement sur la nature, vous m’avez facilité la tâche de passer d’un animal sauvage à vous, humains (vous appelez cela sauter la barrière des espèces). Quelle aubaine !

Mais voilà que je dois maintenant déchanter. En raison de toutes sortes de mesures que vous inventez, je crois bien que je vais être contraint de revoir mes ambitions expansionnistes à la baisse. Difficile renoncement!

Alors je me dis, et vous dis: soyons solidaires. Nous habitons la même planète. Nous sommes aux deux extrémités de l’immense chaîne de l’évolution. J’en suis la plus simple (vous dites : la plus primitive), une minuscule boule de protéines. Vous en êtes la plus récente, la plus complexe, la plus aboutie. Certains d’entre vous disent même la plus merveilleuse. J’existais depuis des milliards d’années, longtemps avant vous.

Faisons un pacte. J’accepte de ne pas trop proliférer. J’accepte de limiter mes visées. Mais je dois vous avertir solennellement: cela ne sera possible que si vous modifiez en profondeur votre système économique. Cela implique, entre autres, de réduire drastiquement les transports à travers notre planète commune, ces transports qui, pour moi, sont si favorables.

J’ai un autre conseil à vous donner, bien que je n’aie pas de solution à vous proposer: réduire votre population. Je répugnerais à devoir confier cette douloureuse tâche à l’un de mes cousins. Mais il y a clairement d’immenses régions que votre espèce occupent de façon démesurée, ce qui m’est aussi très favorable.

Enfin, vous devez impérativement cesser de détruire la nature sauvage, car cela nous ouvre, à nous les virus, des horizons insoupçonnés.

Sinon, ce ne sera que partie remise. Il m’est très facile de trouver une nouvelle mutation, encore plus efficace pour moi, et plus catastrophique pour vous. Ce sera de nouveau la guerre! Avez-vous seulement pris la mesure du bouleversement que je suis capable de provoquer, moi imperceptible tas de protéines?

Je vous dis tout cela au nom de la solidarité qui devrait régner entre tous les êtres vivants. Même si nous sommes parfois en compétition, nous avons tous besoin les uns des autres.

Votre dévoué : Coronavirus,
(Alain Rouget), Genève

 

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