On nous écrit

Des corps et d’une espérance

Chiara Mari livre un témoignage en ces temps d’isolement.
Epidémie

Dans un moment historique particulier en Europe les paroles des débuts de l’Evangile de Jean me résonnent comme une invitation à me et nous laisser éclairer. L’invitation vient de la lumière, cette lumière qui «éclaire tout être humain» et qui illumine également tout corps (v.10, Evangile Jean, Bible). Plus tard Jean parle de ce temple du corps, ce corps qu’avec l’appel à la quarantaine et à l’isolement nous sommes en train de redécouvrir. Le corps qui est essence et existence, qui est le vecteur du Souffle vital et «unique sanctuaire», comme le revendiquait humblement Maurice Zundel. A l’heure où tout loisir culturel, artistique et sportif est inaccessible, nous redécouvrons l’importance de la culture, de l’art et du sport en tant que médiateurs de notre relation au corps, au plus profond de notre «soi». Les églises également fermées, la relation à la spiritualité institutionnalisé a aussi à se réinventer.

L’individu du XXIe siècle est ainsi violemment renvoyé à son corps, à son identité, à ce qui lui est de plus essentiel et intime. Temps de ralentissement imposé, temps où la confrontation au tabou de la mort, aux enjeux de la crise climatique et du pillage des ressources se rendent d’autant plus manifestes. Il me paraît dès lors que ces différents aspects atteignent le corps dans sa totalité, le questionnent et le bousculent. A ce propos, la métaphore de l’inoubliable Etty Hillesum et l’admirable Lytta Basset me portent plus loin dans la réflexion. Elles nous parlent de notre «forteresse intérieure», comme un lieu de ressource et résistance pour faire face aux changements, aux difficultés et au défis posés par les crises et les transitions.

De plus, il m’apparaît que redécouvrir son corps permet d’expérimenter l’art de s’insérer également dans un corps universel. Des initiatives de solidarités fleurissent et le quotidien se retransforme en défi qui pousse tout un-e chacun-e à réinventer des stratégies pour rester en lien. Recréer du lien autrement avec le corps sociétal, en commençant par les plus proches, les voisins, les plus vulnérables. Comme Marie Laure Choplin le dit dans «Un seul corps» le défi est de refaire corps… De redécouvrir cette chance que l’être humain a de se centrer et de rebondir face aux difficultés en faisant preuve de solidarité.

Mes pensées ne peuvent pas ne pas aller aux détenus que j’ai connu, aux personnes en précarité et aux amis dans le monde entier avec qui j’ai partagé des expériences et périodes de ma vie marquants et qui m’ont témoigné de l’incarnation de cela à échelle planétaire. Ces personnes m’ont transmis leur joie de vivre, leur résilience, leur solidarité et légèreté permettant de vivre le jour au jour et de surmonter ainsi les inattendus de la vie.

C’est elles qu’aujourd’hui je veux remercier. C’est à elle aussi que je veux rendre hommage. C’est grâce à elles que mon corps veut continuer à espérer, à s’engager et à plaidoyer pour un retour à l’essentiel, pour une solidarité plus manifeste et poussée avec les plus vulnérables et isolés.
La Lumière Universelle est clairvoyante, elle me souffle doucement que tout effondrement est renaissance, que des cendres va naître un renouveau. Je veux partager ce souffle de confiance et d’espérance avec toi lecteur et lectrice, citoyen et citoyenne, jeune ou âgé que tu sois, venant de n’importe quel pays et horizon et en marche vers n’importe quel destination, projet de vie et désirs en devenir. Merci pour ton attention et bon chemin.

Chiara Mari,
citoyenne, artiste, travailleuse sociale, aumônière en chemin,
Lausanne

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