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Tous ces cas d’urgence

Jean-Jacques Isaac se demande quelles décisions seront prises à la suite de cette épidémie.
Santé

Le Conseil fédéral a solennellement pris des mesures exceptionnelles pour réagir à une situation exceptionnelle. Je rends hommage à toutes les décideuses et tous les décideurs, quel que soit l’échelon dans lequel elles et ils s’affairent, et aux multiples personnes qui continuent leur service coûte que coûte.

Je rêve d’un Conseil fédéral qui annoncerait dans quelque temps…

La ministre de la Justice:
Nous avons dû affronter une crise inédite et nous avons constaté que c’était possible, même si les choses n’ont été simples pour personne. La priorité était le bien-être de la population de notre beau pays. Cette priorité doit maintenant être étendue. Il n’est pas acceptable que des êtres humains – nos concitoyens du monde – subissent l’horreur simplement parce qu’ils sont nés dans des régions du monde que les élites de l’Occident en particulier ont exploitées pendant un siècle et demi au moins. Nous ne leur devons pas l’entraide charitable, nous leur devons la justice. Cela passe, et c’est le minimum, par un engagement de la Suisse pour soulager non seulement tant de familles en quête d’un peu de sécurité, mais les pays – pauvres – qui les accueillent dans des proportions intenables.

Le ministre de la Santé:
Nous avons dû affronter une crise inédite et nous avons constaté que c’était possible, même si les choses n’ont été simples pour personne, comme l’a dit ma collègue. Le Conseil fédéral a décidé de poursuivre sur la lancée de ces mesures au moins jusqu’au moment où nous pourrons dire que la quantité de particules fines diminue de manière significative. Nous pourrons ainsi sauver des centaines de vies humaines chaque année. Cela passe par une utilisation très limitée de la circulation automobile et nous sommes certains que le sens des responsabilités de la population dans son ensemble sera à la hauteur. Et sur la lancée, les hôpitaux, maintenant un peu moins chargés, pourront peut-être éviter une partie des deux ou trois cents morts de la grippe saisonnière qui frappe notre pays malgré nos vaccins et autres médicaments de pointe.

Le ministre de l’Economie:
Nous avons dû affronter une crise inédite et nous avons constaté que c’était possible, même si les choses n’ont été simples pour personne, on l’a dit. Nos concitoyen-ne-s du monde ne sont pas moins «dommage» que les Suissesses et les Suisses. Il n’est pas acceptable que chaque jour, nous soyons mis devant ce fait incontournable: vingt à trente mille personnes meurent dans le monde d’une «maladie» fort connue, la faim. Nous connaissons le remède et il est temps de l’appliquer: payer correctement tous les produits importés de ces pays et soutenir leurs efforts pour une économie indigène en forçant notamment les multinationales à se montrer responsables. Il n’est plus question maintenant de tergiverser, il faut accepter rapidement l’initiative populaire qui va dans ce sens. Les banques, que les pouvoirs publics ont sauvées naguère, viendront à leur tour au secours de notre économie.

La présidente de la Confédération:
Nous avons dû affronter une crise inédite et nous avons constaté que c’était possible, même si les choses n’ont été simples pour personne, excusez-moi de le répéter. Nous allons profiter des acquis de ces derniers mois (en expérience dans tous les domaines) pour continuer à appliquer toutes les mesures qui tendent à ralentir l’activité économique, et ce jusqu’à ce que nous puissions contrôler de manière péremptoire que nous ne contribuons plus à l’affolement de la situation environnementale. Dans le monde animal, ce ne sont pas seulement des individus qui disparaissent chaque semaine, ce sont des espèces, oui, des espèces, par dizaines. Et puis, progressivement, une fois que nous verrons la courbe, les courbes (il y en a plusieurs à inverser!) s’infléchir sérieusement, nous établirons un nouveau contrat socio-économique à même de ne pas répéter sans cesse les erreurs qui nous ont amené-e-s à la situation qui menace l’humanité actuellement. Ce ne sont pas dix, cent, dix mille personnes qui ont de quoi s’inquiéter, c’est la population entière de notre pays qui risque maintenant la désolation – moins quelques milliers de personnes qui sans doute s’en tireront grâce à leurs relations de pouvoir et d’argent.
Voilà ce que je me prends à imaginer, dans mon coin. Et je rêve encore d’une population suisse qui, le soir de ces déclarations, viendrait applaudir aux fenêtres et entonner toutes sortes de chants, des plus gais aux plus graves, laissant s’envoler des notes de toutes les couleurs pour marquer l’avènement d’une ère nouvelle.

Mais les rêves s’évanouissent presque sans laisser de trace et il en sera de même de celui-ci…

Jean-Jacques Isaac,
Confignon (GE)

 

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