Chroniques

Dans la foulée du Covid-19, le coup d’Etat de Netanyahou

AU PIED DU MUR

Benyamin Netanyahou, qui gouverne Israël par intérim et sans majorité parlementaire, vient de réaliser un véritable coup d’Etat. Par la voix d’Amir Ohana, le garde des Sceaux – et le plus voyou de ses ministres –, il a annoncé la fermeture des tribunaux. Et via le président de la Knesset (parlement), il a suspendu la tenue des délibérations du pouvoir législatif, au moment où celui-ci doit élire les diverses commissions nécessaires à la mise en place d’un nouveau gouvernement exprimant les résultats des dernières élections. En effet, le camp anti-Netanyahou est sorti majoritaire du scrutin du 2 mars et, comme le veut la loi, le président de l’Etat d’Israël, Reuven Rivlin, a chargé le chef de l’opposition, Benny Gantz – qui a reçu le soutien de la majorité absolue des nouveaux députés –, de former un gouvernement.

Après avoir tout d’abord affirmé que les élections étaient truquées et leurs résultats falsifiés par la commission électorale, le gang Netanyahou paralyse maintenant le système constitutionnel. Des commentateurs toujours plus nombreux s’attendent à ce qu’il annonce formellement, au nom de la lutte contre le coronavirus, l’état d’urgence et le gel de l’ensemble des institutions.

Ne nous y trompons pas: ce coup d’Etat n’a rien à voir avec l’épidémie, même si Netanyahou ne cesse de l’instrumentaliser pour se présenter au peuple comme le sauveur suprême. Il est lié au calendrier juridique de son propre procès pour diverses affaires de corruption et trafic d’intérêts, qui devait débuter la semaine dernière. A la Knesset, une majorité souhaite faire voter une loi interdisant à un député inculpé pour corruption d’être nommé premier ministre, ce qui est déjà le cas pour tout autre membre du gouvernement. Le blocage des institutions empêche de faire passer cette loi ainsi que de faire appel à la Cour suprême pour qu’elle impose au président du parlement de convoquer l’assemblée législative.

Netanyahou pourrait négocier une amnistie en échange de son départ en politique. Mais il refuse. Il veut le beurre et l’argent du beurre et n’a nullement l’intention de laisser la place à Gantz, même si ce dernier a gagné les élections et jouit du soutien de la majorité des députés. Le premier ministre en exercice et ses affidés ont décidé de jouer leur va-tout et, si nécessaire, de provoquer un soulèvement populaire contre le système en place. C’est dans cet esprit que Netanyahou a pris depuis deux semaines la casquette de chef de guerre et qu’il s’invite tous les soirs à la télévision pour s’adresser solennellement au peuple. Il répète en boucle: «j’ai décidé», «j’ai fait», «j’ai téléphoné à mon ami Trump», «j’ai pu acheter des équipements de réanimation qui arriveront dans les jours à venir…», etc. Ainsi, il se prépare à la commission d’enquête qui, une fois l’épidémie résorbée, sera certainement mise en place.

Rien, strictement rien, n’a été entrepris par le gouvernement, alors que l’OMS annonçait déjà la pandémie. Israël est un pays riche et développé, mais se retrouve face au Covid-19 en situation de sous-développement: pas de matériel de protection pour le personnel hospitalier, pas de dépistage («on commence la semaine prochaine, c’est promis!»), pas de budget. Après des années de démantèlement des services publics, l’Etat d’Israël est impuissant face à l’épidémie, si ce n’est le dévouement admirable du personnel hospitalier, qui par ailleurs ne cache pas sa colère face à l’irresponsabilité du gouvernement, malgré ses alertes lancées depuis des mois.

Autoritarisme et incompétence grave, voilà où nous en sommes aujourd’hui, avec un «chef» – c’est comme ça que ses supporters appellent Netanyahou, sans être conscients de la traduction allemande de ce mot – qui ne pense qu’à lui-même et aux procès qui se dérouleront tôt ou tard. A tel point que d’aucuns en viennent à se demander si un coup d’Etat militaire ne serait pas le moindre mal.

Notre chroniqueur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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