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L’Afrique échappe-t-elle au coronavirus? Oui et non

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

L’Afrique est-elle le dernier endroit au monde où des foules ont le droit de se retrouver pour applaudir des artistes? C’est en tout cas ce qui se passe actuellement à Abidjan, où se tient comme chaque deux ans le MASA, Marché des arts du spectacle d’Abidjan, qui draine des milliers de personnes venues de partout pour assister aux quelque 300 spectacles proposés pendant une semaine. Le virus n’est pas absent pour autant: lors de l’ouverture de la manifestation, le directeur général du MASA, Yacouba Konaté, a lancé: «Renonçons aux serrages des mains et aux bisous. Sourions aux arts et à la vie.» A l’entrée des salles de spectacles, il est recommandé de faire usage des flacons de savon antiseptique mis à disposition. Si le MASA n’a pas été annulé, l’Africa CEO Forum, le «Davos africain», qui devait réunir cette semaine des ­centaines de décideurs à Abidjan, a été reporté.

Vue d’Abidjan, la situation a quelque chose de surréaliste: aucun cas n’a été détecté en Côte d’Ivoire, mais la télévision nationale diffuse en boucle des messages de prévention, et les autorités compétentes sont mobilisées pour faire face à la menace, au cas où. Certes, il s’agit d’être prêt pour le jour où, peut-être, le virus débarquera en force. Reste que compte tenu du «zéro mort» enregistré à ce jour, le fait que le coronavirus fasse l’objet d’une telle attention laisse perplexe, dans un contexte où les urgences sanitaires sont nombreuses. A force d’y consacrer l’essentiel de leurs informations, les chaînes d’info européennes, très suivies, pourraient même finir par propager une forme de panique au sein des populations.

En Afrique de l’Ouest, le coronavirus rappelle fortement l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui avait sévi en 2014-2015 et fait plus de 10 000 victimes. Les mesures de prévention sont quasiment identiques: se laver les mains, éviter les contacts rapprochés. Du coup, les mêmes réflexes de prévention ont resurgi. Les flacons de savon antiseptique, omniprésents durant Ebola, n’ont d’ailleurs jamais vraiment disparu des lieux publics, dès l’aéroport. En revanche, la «viande de brousse» n’a pas été interdite, comme cela avait été le cas pendant la crise Ebola, même si les chauve-souris et le pangolin ont été mentionnés comme potentiellement à l’origine du virus en Chine. «Aucun Blanc n’est mort de l’épidémie d’Ebola, aucun Noir ne mourra du coronavirus. A chacun son virus», peut-on lire sur les réseaux sociaux.

C’est que les quelques cas confirmés de coronavirus en Afrique de l’Ouest affectent des «expatriés» européens, des Français au Sénégal, un Italien au Nigeria. Ce sont donc les Européens qui, actuellement, amènent en Afrique le virus qui fait trembler le monde. Les gens restent zen, et on n’assiste pour l’heure à aucune discrimination à l’encontre des Européens. La mesure prise par le Congo-Brazzaville de mettre en quarantaine «tout passager en provenance de pays à risque» n’a pas été suivie par d’autres pays. Très présents dans de nombreux secteurs économiques, les Chinois ne font pas non plus l’objet d’une méfiance particulière, hormis l’annulation de vols vers la Chine par certaines compagnies aériennes africaines. Rien à voir en tout cas avec la stigmatisation dont les Africains avaient fait l’objet lorsque le sida avait commencé à se propager dans le monde, alors régulièrement accusés d’être porteurs du virus.

Reste que même si l’Afrique ne connaît que très peu de cas de Covid-19 pour l’instant, son économie mondialisée subit comme les autres régions du monde les conséquences de la pandémie: la demande chinoise pour ses matières premières a fortement chuté, de même que leur prix, avec forcément de lourdes conséquences. Tout particulièrement pour les pays producteurs de pétrole, tels le Nigeria, le Congo-Brazzaville ou l’Angola.

Notre chroniqueuse est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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