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Libération d’Auschwitz: la double instrumentalisation de Netanyahou

AU PIED DU MUR

Il y a 75 ans, l’Armée rouge libérait le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. La grande majorité des survivant-e-s n’y étaient plus, emmenés par les SS dans la marche de la mort vers l’ouest. A cette occasion, les dirigeants israéliens ont décidé d’organiser jeudi dernier à Jérusalem une grande rencontre à laquelle ont été conviés une quarantaine de dirigeants politiques venus du monde entier.

Pourquoi Jérusalem et pas la Pologne où se trouve Auschwitz et où s’est perpétué l’essentiel du judéocide nazi? C’est la question posée par le président polonais, qui a pour sa part décliné l’invitation. La réponse à sa judicieuse question nous sort du domaine du devoir de mémoire et nous fait replonger dans la petite politique israélienne. A deux mois des élections, quoi de mieux pour Benyamin Netanyahou que se faire photographier avec lesdits «grands du monde», en tant que représentant du peuple juif, de ses souffrances et de sa résurrection sur la terre de ses ancêtres? Se servir du génocide d’Auschwitz pour gagner quelques milliers de voix, à vomir!

Pis. Netanyahou a annoncé à coup de communiqués de presse qu’il exigeait des chefs d’Etat ayant fait le voyage à Jérusalem (qui pouvait se permettre d’ignorer l’invitation?) une prise de position contre la Cour pénale internationale de la Haye dont la procureure envisageait d’ouvrir une enquête sur les violations du droit international dans les territoires palestiniens occupés. Peut-on faire pire comme instrumentalisation de nos martyrs?

De là à ce que le premier ministre en exercice ait demandé à ses invités de signer une pétition dans laquelle ils déclarent que les inculpations ouvertes contre lui pour corruption et trafic d’influence ne sont que le fruit d’un complot entre la justice, la police, les médias et les islamo-gauchistes pour se débarrasser de celui que le peuple a choisi, il n’y aurait eu qu’un pas.

Quant à ceux qui s’attendaient à ce que Benyamin Netanyahou rappelle que c’est grâce à l’Armée rouge et aux sacrifices colossaux des peuples de l’Union soviétique que près des deux tiers des Juifs d’Europe ont pu survivre au judéocide nazi, ils en auront été pour leurs frais. Certes, il n’est pas allé jusqu’à dire que c’est grâce à Donald Trump, mais il l’aurait sacrement voulu.

Notre chroniqueur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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