Édito

Salvini mis en boîte?

Salvini mis en boîte?
La stratégie de conquête de Salvini subit un vrai coup d’arrêt. Keystone
Italie

Matteo Salvini préparait son coup depuis des mois; l’échec très net de sa Lega dans la conquête de la Région d’Emilie-Romagne n’en est que plus cuisant. Dopé par la mobilisation populaire, le Parti démocrate (PD, centre-gauche) a facilement conservé dimanche son fief historique, dont l’émule de Benito Mussolini voulait faire le point de départ de sa marche sur Rome. Pour le gouvernement de Giuseppe Conte, bâti depuis cet été autour du PD et du Mouvement cinq étoiles (M5S), le répit pourrait néanmoins n’être que de brève durée.

L’orgueilleux Salvini a sans doute péché par impatience. Omniprésent depuis cet automne en Emilie-Romagne, le leader de l’extrême droite italienne a nationalisé le scrutin et titillé la fibre résistante de Bologne la Rouge. D’un rassemblement, le 14 novembre dernier, contre sa venue sur ces terres naguère communistes a surgi le mouvement des «Sardines». Expression d’un ras-le-bol contre l’intolérance et la xénophobie professées sur tous les tons par le leader du premier parti d’Italie, il s’est répandu plus ou moins spontanément à travers la jeunesse et fédéré des militants de gauche en mal d’unité voire de débouchés politiques.

L’antidote antifasciste n’a pas tardé à agir. Deux mois plus tard, la stratégie de conquête de Salvini subit un vrai coup d’arrêt et les Sardines prouvent une nouvelle fois que la politique se joue groupé, au coude à coude, occupant l’espace public pour ne pas laisser de place aux requins de la démagogie.

Au point de mettre Salvini en boîte? Ce serait se méprendre. D’abord car la Lega, bien que battue en Emilie-Romagne, a encore progressé dimanche. Elle gagne douze points par rapport à 2014 dans cette région du Nord, de même que tout au Sud, en Calabre, lors de la seconde élection du week-end. Dans la pointe de la Botte, la Lega et les néofascistes de Fratelli d’Italia obtiennent ensemble 23% des voix, assez pour porter leur coalition avec le parti berlusconien Forza Italia au pouvoir.

Ensuite, car la déroute attendue du M5S1 https://lecourrier.ch/2019/08/20/la-carpe-et-le-lapin-vorace dans les deux scrutins ouvre une période d’instabilité pour le gouvernement central. Or, si au Nord ce reflux semble profiter au centre gauche, il fait au Sud, comme le souligne l’élection calabraise, le lit de l’extrême droite. Donnant à Salvini l’assise nationale dont il a besoin pour prendre le Palais Chigi en cas de nouvelles législatives.

Le gouvernement PD-M5S peut-il encore empêcher ce scénario catastrophe? Au vu des responsabilités que portent ces deux partis, chacun à sa manière, dans la crise sociale et politique traversée par le pays, les raisons d’y croire sont maigres. Il faudrait là aussi que la rue se réveille. Qu’un nouveau banc de Sardines sorte de sa boîte et empoigne cette fois la question d’une alternative sociale.

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