Édito

Le sacrifice de Jeremy Corbyn

Le sacrifice de Jeremy Corbyn
Jeremy Corbyn. KEYSTONE
Royaume-Uni

L’éclatante victoire de Boris Johnson dans les urnes du Royaume-Uni jeudi marque la fin d’un pénible feuilleton. Doté d’une feuille de route claire, à défaut d’être très réaliste, le premier ministre issu du Parti conservateur conduira dès que possible son pays hors de l’Union européenne. Point.

Le vaudeville parlementaire joué sans interruption depuis la victoire du «Leave» en juin 2016 est pour beaucoup dans l’exaspération populaire qui a porté l’ancien maire de Londres au pinacle. Paradoxalement, les Tories, responsables numéro 1 de cette valse-hésitation, en tirent aujourd’hui profit. Boris Johnson donne ainsi raison à l’un de ses fameux prédécesseurs, Winston Churchill: «Changer de route n’est pas un problème, à condition que ce soit dans la bonne direction».

Pour le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, la direction à prendre est la sortie. Il en a d’ores et déjà pris acte. A 70 ans, après deux échecs lors de législatives, le député (réélu) d’Islington ne peut plus incarner le renouveau travailliste débuté dans son sillage il y a quatre ans.

L’homme n’est pourtant que très partiellement responsable de la défaite. S’il s’est montré bien trop hésitant quant à la stratégie à adopter face au gouvernement de Theresa May ou à la demande d’un revote, le leader travailliste était placé devant une équation quasi insoluble. Avec un électorat profondément divisé sur l’Europe, géographiquement et socialement, opter sans nuance pour la sortie ou le maintien dans l’Union revenait à saboter le projet de reconstruction d’un Labour sur une base populaire la plus large possible.

Alors que médias et partisans d’un recentrage du parti dramatisent la défaite de Jeremy Corbyn, celle-ci doit être froidement analysée. Et relativisée: avec 32% des voix, il fait – malgré tout – mieux que ses deux prédécesseurs, Ed Miliband, en 2015, et Gordon Brown, en 2010. Dans ce scrutin à la majoritaire, le fort recul en nombre de sièges s’explique surtout par le basculement opportuniste de certains travaillistes pro-Brexit en faveur des Tories dans les vieilles périphéries ouvrières. Un électorat que le parti est en mesure de reconquérir dès le prochain scrutin.

Surtout, Jeremy Corbyn laisse un Labour rajeuni comme jamais, tant en termes militants qu’électoraux. Selon les premières études sociologiques, les 18-34 ans auraient été trois fois plus nombreux à déposer un bulletin travailliste que conservateur!

Dans ce scrutin aux allures de référendum sur le Brexit, le choix de Jeremy Corbyn de ne pas diviser le parti sera peut-être vu un jour sous un autre angle, celui du prix à payer pour la reconstruction d’une alternative de gauche au Royaume-Uni.

Dernière mise à jour: di 15/12 à 19h30

Opinions International Édito Benito Perez Royaume-Uni

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