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Le patrimoine culturel mondial menacé par le réchauffement climatique

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Sommes-nous condamnés à voir disparaître sous nos yeux des lieux historiques, témoins depuis des temps immémoriaux de l’histoire de l’humanité? Le réchauffement climatique associé à d’autres phénomènes met à mal des monuments, des villes, des constructions qui ont traversé les siècles. Mais le nôtre, de siècle, se caractérise désormais par des inondations, des périodes d’intense sécheresse sur tout le globe avec, à la clé, toute une série de dommages collatéraux. De nombreuses régions sont impactées sous toutes les latitudes. Mais la menace qui pèse sur ces lieux historiques nous touche tout particulièrement puisque ceux-ci sont devenus les symboles d’un monde qui sombre, tel le Titanic. Inutile de se voiler la face: le réchauffement climatique met en danger le patrimoine culturel mondial.

Depuis plusieurs jours, les images de la ville de Venise sous l’eau, submergée à 80% par des marées hautes, font le tour du monde. La basilique Saint-Marc, construite en l’an 828, a été noyée sous un mètre d’eau, crypte et presbytère compris. Le sel contenu dans l’eau de mer ronge les briques, le marbre. Les dégâts occasionnés sont immenses. En l’espace de quelques années, c’est la troisième inondation d’envergure que connaît ce véritable joyau de l’art byzantin, la dernière date de 2018.

Pour la climatologue suisse Martine Rebetez, professeure à l’université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), «à terme, Venise est condamnée, perdue». Selon elle, une digue ne suffira pas à sauver la ville. «On peut prolonger sa vie de quelques décennies, mais le niveau des mers va monter d’un mètre d’ici à la fin du siècle, et ensuite de plusieurs dizaines de mètres», a-t-elle déclaré sur les ondes de la RTS.

En Côte d’Ivoire, les images de Grand-Bassam inondée ont particulièrement ému les gens et suscité de nombreuses réactions, y compris sur les réseaux sociaux. Voir le quartier historique de la première capitale du pays, inscrite depuis 2012 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, submergée par les eaux et sa population se déplacer en pirogue entre les bâtiments datant de l’époque coloniale a créé un choc. Grand-Bassam rejoindra-t-elle bientôt la liste du patrimoine mondial en péril?

Comme à Venise, les dégâts sont incommensurables. Le sel de l’eau de mer ronge les bâtiments historiques datant de l’époque coloniale, pour certains très fragiles. Lorsque l’eau se retire enfin, une boue nauséabonde prend le relais et rend difficiles les travaux de réhabilitation et le retour des familles sinistrées, qui ont dû chercher refuge ailleurs, alors que l’électricité était coupée. Quant aux artisans et autres vendeurs d’objets d’art en bois dont Grand-Bassam est abondamment pourvue, ils ont vu leur précieux stock fortement abîmé par l’eau. Sans savoir si et quand ils seront dédommagés.

Les dramatiques inondations de Venise ont relancé le projet de quelque 78 digues flottantes, baptisé Moïse (Mose en italien), censé barrer les eaux de la lagune en cas de montée jusqu’à 3 mètres de haut. Ce projet, lancé il y a quinze ans, n’a toujours pas abouti, freiné par des affaires de corruption et la défectuosité des travaux déjà entrepris. Le maire de Venise le qualifie d’ailleurs de «projet fantôme».

Les récentes inondations de la ville de Grand-Bassam, capitale de la Côte d’Ivoire à l’époque coloniale, entre 1893 et 1900, ont également poussé les autorités à donner un coup d’accélérateur aux travaux d’ouverture de l’embouchure du fleuve Comoé, qui prend sa source au Burkina Faso, promis depuis longtemps. Cet aménagement devrait permettre de bétonner le canal qui relie la lagune à la mer afin d’éviter de nouvelles inondations.

Les deux villes historiques classées au patrimoine mondial de l’Unesco sont ainsi mobilisées pour sauver vestiges et monuments historiques des inondations, sécheresses et autres effets pervers du réchauffement climatique. Sans aucune garantie que cela suffira pour éviter le pire.

Notre chroniqueuse est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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