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Polluants, réchauffement et allergies

À votre santé!

Pollution atmosphérique, climat et allergies. Tel est le titre d’un article paru cet été dans la revue Swiss Medical Forum 1>Swiss Medical Forum 2019;19 (35-36):580-583. Les auteurs commencent par rappeler l’augmentation très significative des maladies allergiques, en particulier celles liées au pollen, ces cinquante dernières années tant chez l’enfant que chez l’adulte. On passe de quelque 4,5% d’enfants atteints en 1968 à près de 17% en 1994, selon une étude genevoise. Plus récemment, l’association Asthme & Allergies rapportait que 20 à 25% des Français développent une pollinose [allergie au pollen], contre 2 à 3% en 1970.

Même si un risque génétique existe, il ne peut à lui seul expliquer l’explosion des cas. Depuis près de quinze ans, on évoque l’importance des conditions environnementales: on ne peut nier le réchauffement climatique avec des hivers moins froids et donc un allongement de l’exposition au pollen (n’a-t-on pas vu des noisetiers fleurir début janvier?), mais aussi une augmentation de la quantité de pollen.

Parallèlement, une étude menée en Suisse (Sapaldia), corroborée par d’autres études européennes, a démontré de manière très claire que la sensibilisation au pollen est nettement plus importante dans les zones à trafic motorisé intense que dans les régions agricoles. On sait par ailleurs depuis de nombreuses années que les particules fines (liées en grande partie au trafic) sont des irritants bronchiques et aggravent les crises d’asthme et qu’il y a une corrélation directe entre le niveau de pollution atmosphérique et le nombre d’affections pulmonaires observées. Les particules de diesel sont très délétères pour les patients qui ont une prédisposition génétique allergique (dite «atopique»), car elles ont une influence directe sur le système immunitaire responsable des symptômes allergiques.

De études récentes ont montré en outre que le «stress environnemental», comme le trafic motorisé, provoque sur certaines plantes – dont le bouleau – une modification structurale et la libération facilitée de certaines substances, dont l’allergène majeur du pollen. Cela peut donc provoquer des symptômes allergiques avant même que l’on puisse mesurer des émissions de pollen dans l’atmosphère, y compris en l’absence totale de pollen dans l’air inhalé.

Par ailleurs, il a aussi été démontré que les polluants de l’air peuvent provoquer un fractionnement des pollens, ce qui amplifie le risque de concentration de l’allergène dans les bronches. De plus, les polluants peuvent se «coller» au pollen, ce qui modifie le contenu allergénique et en renforce l’effet pathologique sur l’être humain.

Enfin, des études récentes ont démontré que, sous l’action des particules fines, les pollens présentent une augmentation de fabrication de substances (dites PALM), favorisant l’inflammation des muqueuses respiratoires et l’implantation des allergènes, et vont ensuite favoriser une réaction allergique.

Bien sûr, les causes et l’épidémiologie des maladies allergiques sont certainement multiples et dépendent d’autres éléments, comme l’alimentation (où la «malbouffe» a sûrement un rôle à jouer) ou le tabagisme (et la fumée passive). L’exposition professionnelle (en particulier dans la chimie) doit aussi être prise en compte, tout comme les infections et leurs traitements. Des études montrent même que le mode d’accouchement peut jouer un rôle: la colonisation bactérienne du bébé à la naissance dans un milieu dit stérile d’une salle d’opération n’est pas la même que celle d’une salle d’accouchement du même hôpital et pourrait avoir des conséquence à long terme sur la manière de développer ou pas des allergies.

Or, aujourd’hui, on ne peut nier le lien entre polluants atmosphériques, climat (en particulier en lien avec le réchauffement climatique et l’effet de serre) et allergies. C’est pourquoi une vraie politique de santé, centrée sur la prévention des maladies, ne doit pas seulement cibler les facteurs de risques individuels (surpoids, tabagisme, sédentarité, etc.) ou les déterminants sociaux ou de genre, mais doit impérativement s’attaquer aux causes environnementales et d’organisation sociale.

C’est un défi. Espérons que le parlement nouvellement élu saura le relever mieux que le précédent, qui a refusé la loi sur la prévention et la promotion de la santé pourtant encore assez timide. Que la «vague verte» et féminine serve aussi à mieux définir les priorités en santé!

Notes[+]

Notre chroniqueur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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