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Embouteillages ou mobilité douce? Le défi des capitales africaines

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Abidjan est le paradis de la voiture. Des carcasses d’occasion importées d’Europe, surnommées les «France au-revoir», aux 4×4 géants flambants neufs, on trouve de tout dans les embouteillages qui paralysent la capitale économique ivoirienne, du matin au soir. Mais au milieu des gaz d’échappement, une silhouette désormais familière ondule entre les taxis rouges et les grosses cylindrées: c’est celle d’Andy Costa, qui rêve de faire d’Abidjan une ville où il fait bon rouler à vélo, une gageure.

Il ne manque jamais une occasion de partager sa passion avec ses compatriotes. «Je communique avant tout sur l’amélioration de leur santé, les gens se sentent ainsi davantage concernés que si je leur parle d’écologie et d’environnement», explique celui qui met à profit sa formation en communication pour multiplier les messages positifs et «concernant».

«En 2050, l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants, il faut donc commencer dès aujourd’hui à penser à la mobilité douce, car si chacun continue à rouler en voiture ou en moto, nos villes vont devenir infernales.»

Dans certaines capitales africaines, les deux-roues sont rois et font partie du paysage urbain. C’est le cas par exemple de Ouagadougou, Bamako, Cotonou. Mais à Abidjan, peu de cyclistes osent s’aventurer sur les grands boulevards, craignant pour leur vie, dans un contexte où les accidents de la route sont quotidiens. Alors où rouler sans trop de risques? Andy Costa évoque la «mobilité douce» du quartier des affaires du Plateau, où la quasi paralysie du trafic permet de zigzaguer sans trop de risques entre les voitures. Il indique aussi le campus de l’université Félix Houphouët-Boigny à Cocody, 200 hectares, avec, à la clé, un projet de mettre gratuitement à disposition des étudiants quelque 500 vélos, en partenariat avec Smoov, la société française qui gère les Vélib’ à Paris. Il y a aussi les immenses avenues de Yamoussoukro, le plus souvent désertes, et donc paradis des cyclistes.

«Mais il y a un gros travail à faire pour changer l’image du vélo aux yeux de la population», estime Andy Costa. En ville, le vélo est en effet l’apanage des personnes aux revenus modestes ou des paysans travaillant dans les plantations à l’intérieur du pays. «A Abidjan, se déplacer en vélo, c’est un peu la honte, c’est comme si vous n’aviez pas les moyens de vous payer une moto ou une voiture, ou encore de prendre le taxi», sourit Andry Costa, qui se rappelle que lorsqu’il s’est mis au deux-roues, ses amis se sont moqués de lui, lui demandant s’il avait besoin d’un coup de pouce financier. Afin d’échapper aux quolibets et aux moqueries, une seule parade: se munir d’un équipement ad hoc, un casque dernier cri, qu’Andy Costa ne quitte jamais, ainsi que des vêtements et chaussures de coureur cycliste. «Là, on sait que vous n’êtes pas un pauvre, mais une personne qui se préoccupe de sa santé et de l’environnement», explique-t-il en souriant.

Avec son ONG «My dream for Africa» et son émission de TV «Tous au transport vert» diffusée sur les ondes de la télévision nationale, il tente de relever le défi en faisant pédaler face caméra des personnalités politiques, mais aussi des stars telles que le footballeur Didier Drogba ou Asalfo, le chanteur du groupe Magic System. Grâce à son lobbying constant, les responsables politiques évoquent désormais la création de pistes cyclables dans leurs nouveaux projets urbains. D’où vient cette passion? Andy Costa évoque son enfance dans le quartier populaire de Treichville, avec un vélo à partager entre tous les enfants du quartier. «Lorsque c’était mon tour de faire un petit circuit, je me sentais comme un roi», se rappelle-t-il. Avant de conclure: «Je reste confiant: lorsque les conditions de sécurité seront réunies, le vélo en milieu urbain permettra de résoudre de nombreux problèmes liés à la mobilité.»

Catherine Morand est journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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