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La nature ou les humains?

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Amazonas 1965-2019.
1965. En Amazonie péruvienne, devant la beauté naturelle et le charme Far West de Tingo Maria, sur les contreforts des Andes péruviennes. De l’eau ruisselle partout, une forêt luxuriante, des papillons Morphos énormes, bleu métallique, des oiseaux bavards assurent, avec des insectes, la bande sonore. Coté humain, pauvreté souriante, trafics en tout genre et flingues ou machettes prêts à l’usage. En descendant à Pucallpa, au bord de l’Ucayali, l’un des bras de l’Amazone, tout se dégrade. Chaleur suffocante, même la nuit, moustiques insupportables, du soir à l’aube, végétation plus pauvre, misère glauque, prostitution d’adolescents, surtout mâles pour de rares touristes de l’époque, ordures, corbeaux et vautours partout, pas encore de plastiques.

Sinistre idée de partir en bateau-stop vers un village amérindien shipibo à cent kilomètres, au milieu de nowhere! Des évangélistes étasuniens de l’Institut «linguistique» de Verano avaient traduit la Bible en shipibo. Ils venaient quelques heures, une fois par mois, en hydravion. Assez pour y avoir engendré un pauvre petit garçon à peau blanche, dévorée par des boutons de moustiques purulents. Tandis que les autochtones semblaient négliger les millions d’anophèles qui nous torturaient le soir et la nuit. Après, nous avions échoué dans un village d’ex-récolteurs de caoutchouc ravagés par la misère et l’alcool, sordide. Pas la place ici de raconter la suite et notre évasion de «l’enfer vert». Ce sera plus tard ou ailleurs!

2019. L’Amazonie brûle partout, surtout de feux volontaires destinés à établir des cultures industrielles d’exportation là où le pillage non durable de la forêt – minerais, bois, trafics et chasse d’espèces végétales et animales précieuses… – s’arrête. L’expulsion des autochtones, parfois à l’arme automatique, libère de l’espace. Lequel voit arriver des foules de miséreux latinos, exploités par des «propriétaires» terriens improvisés et les Eglises, évangéliques et autres. Comme il y a déjà des décennies, dans ces ranchs propriétés du Vatican qui exportaient soja et viande bovine du Nordeste brésilien. Ce n’est pas un hasard si l’ignoble Bolsonaro s’empresse de renvoyer la tronçonneuse aux sectes évangéliques étasuniennes, qui pullulent autant que les moustiques en Amazonie et qui l’ont fait élire triomphalement. Et ce n’est pas la première fois que le lobby militaro-religieux étasunien fait prendre le pouvoir par les urnes à un fasciste latino sans scrupules…

Le problème n’est plus seulement brésilien ou latino-tropical. Les experts ne sont pas encore tous d’accord sur l’importance comme «poumon sain de la planète» de la forêt amazonienne. Car si elle fixe du gaz carbonique le jour et en rejette moins la nuit, les quantités considérables en cause sont peut-être bien moindres que celles, cruciales, mises en jeu au niveau des océans, du plancton végétal et de la minéralisation du calcaire biologique. Ce qui est sûr, c’est que la réserve de bois à brûler que la forêt constitue, si elle continue à flamber et à fumer, lâchera une quantité dangereuse de ce gaz dans l’atmosphère, que cela peut faire chauffer et tousser. Surtout quand les dernières autres forêts équatoriales sont livrées, pour l’huile de palme ou les terres, à des conditions semblables.

La prolifération des humains et leurs légitimes revendications de ressources, jointes à la cupidité des pires, livrent les restes de la nature au massacre. Définitif, car les engrais nécessaires à l’agriculture et à l’élevage intensifs prolongés sur des sols pauvres et fragiles ne suivront pas. Les changements de régime des pluies s’ajouteront alors pour désertifier les terres abandonnées, comme deux cordillères californiennes sur trois, au début du siècle passé. Même investie de pouvoirs qu’elle ne risque pas d’avoir, une gouvernance mondiale devrait choisir entre les humains ET un désastre naturel certain, ou bien entre la nature ET un désastre humain… qui n’empêcherait peut-être pas l’autre. Nous sommes au bord du gouffre et il faut faire un pas en avant! Mais de quel pied???

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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