Édito

Les habits rapiécés de l’impérialisme

Les habits rapiécés de l'impérialisme
L’actuel mouvement de protestation n’a encore que trois martyrs et une centaine de blessés, mais on sait le président Juan Orlando Hernández capable de bien pire, conscient de l’impunité de fait accordée à son régime. KEYSTONE
Honduras

Il y a tout juste dix ans, le président du Honduras, Manuel Zelaya, était renversé par l’armée et l’opposition sous des prétextes constitutionnels fumeux. La chute de ce libéral de gauche, rallié à l’Alternative continentale bolivarienne (ALBA) d’Hugo Chávez, inaugurait la série de coups d’Etat institutionnels (réussis) par lesquels la droite latino-américaine et ses alliés étasuniens et européens ont mené leur reconquête du continent. Après le Honduras suivront des putschs politico-juridiques au Paraguay (2012) et au Brésil (2016, 2018), ainsi que nombre de coups de force manqués mais qui ont durement affaibli leurs cibles1>Venezuela 2013, 2014, 2017, 2019. Equateur 2010. Bolivie 2008.. Sans oublier plusieurs élections truquées, dont les présidentielles du Mexique (2006, 2012) et du Honduras (2009, 2013, 2017).

Toutes ces menées antidémocratiques contre ceux qui avaient choisi un développement solidaire et autonome de l’Amérique latine ont été adoubées, rappelons-le, par la presse et les gouvernements occidentaux. Est-ce pour cela que, dix ans après le putsch, la violente répression en cours au Honduras ne récolte qu’un silence gêné du côté de Madrid, Paris ou Washington? Et que les images de la police militaire ouvrant le feu sur le campus de Tegucigalpa restent confinées aux réseaux sociaux?

Soulevé depuis deux mois contre le démantèlement de la santé et de l’éducation, l’actuel mouvement de protestation n’a encore que trois martyrs2>Huit morts selon l’ONG Cofadeh (Comité des familles de détenus et de disparus au Honduras) et une centaine de blessés, mais on sait le président Juan Orlando Hernández capable de bien pire, conscient de l’impunité de fait accordée à son régime. Depuis 2009, le Honduras est devenu la contrée la plus dangereuse du continent pour les activistes sociaux. Pour la seule défense de la terre et de l’environnement, Global Witness recense une moyenne de dix-sept meurtres de militants par an. Un bilan que l’ONG met sur le compte de la politique «business friendly» des présidents ayant succédé à M. Zelaya. Agriculture, ressources naturelles et industrie textile attirent désormais projets et capitaux à flux tendu, avec comme fleuron les nouvelles Zones pour l’emploi et le développement économique – sortes de régions spéciales autonomes gérées par les multinationales! Pas be-soin d’avoir fait «science po» pour comprendre pourquoi, tandis que le Nicaragua et le Venezuela ont vu leurs politiques répressives couvertes d’opprobre et de sanctions, le régime hondurien a pu, lui, signer des accords préférentiels avec Bruxelles, Washington et Ottawa.

Le cocktail de néolibéralisme et de répression infligé aux Honduriens a eu ses effets habituels: en dix ans, la pauvreté extrême a augmenté d’un tiers alors que les services publics étaient laissés exsangues – à l’exception de l’armée, bien entendu, dont le budget a progressé de 150%!

Tandis que les caravanes de migrants, dont nombre ont fui le Honduras, frappent aux portes du Texas, la droite étasunienne peut bien tempêter. Les Etats-Unis récoltent le juste fruit de leurs généraux Tapioca du XXIe siècle, à peine moins caricaturaux que l’original.

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