Chroniques

Journée alternative de l’Indépendance

AU PIED DU MUR

Entre la Pâque juive et Pentecôte, Israël célèbre ses morts et son indépendance: la Journée du souvenir (des soldats tombés au front, et, depuis quelques années, des victimes civiles d’actions dites terroristes) suivie par la Journée de l’indépendance d’Israël.

Je n’ai aucun problème à commémorer avec mes concitoyen-ne-s la Journée du judéocide nazi [chaque 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz] – et ce, malgré les discours qui instrumentalisent nos martyrs pour justifier une lecture de l’histoire que je rejette totalement. Les Journées du souvenir et de l’indépendance en revanche me font en général fuir les villes (et la radio) et chercher refuge en une belle randonnée dans le désert. Sanctifier les morts (surtout s’ils sont en uniformes), se mettre au garde-à-vous dans le retentissement des sirènes et célébrer l’Etat et sa puissance militaire (la parade aérienne est un des moments forts de la Journée de l’indépendance), non merci, pas pour moi. D’autant que – il est important de le souligner – l’indépendance d’Israël, c’est, pour des millions de Palestiniens, la Nakba («catastrophe», qui se traduit en hébreu par le mot «Shoah»).

Deux moments pourtant me permettent de célébrer ces journées. A Jérusalem, le mouvement des réservistes Yesh Gvul organise un allumage de «torches alternatives» (aux torches officielles) par des femmes et des hommes qui ont contribué à un Israël meilleur, selon notre échelle de valeurs. Et à Tel-Aviv, le mouvement des Combattants pour la paix (des anciens combattants israéliens et palestiniens) et le Forum des familles endeuillées organisent un rassemblement dont le nombre de participants double d’année en année – selon les organisateurs, cette année, ils étaient près de 10’000.

Comme l’année précédente, le ministre de la Défense, à savoir Benyamin Netanyahou, a interdit la venue des cent Palestiniens invités par les Combattants et le Forum, qui avaient pourtant des permis octroyés par les services de sécurité, et, comme l’année dernière, la Cour suprême a dû intervenir pour casser la décision du ministre. La décision de la Cour suprême a provoqué une réaction virulente de la part de Yariv Levin, pressenti comme futur ministre de la Justice du nouveau gouvernement: «Si quelqu’un avait encore des doutes sur la nécessité urgente de changer tout le système juridique, et en particulier le rôle de la Cour suprême, voici que tombe cette dernière décision scandaleuse concernant l’entrée de ces Palestiniens en Israël. Elle est particulièrement regrettable au moment où nous célébrons le souvenir [des soldats tombés au front] et l’indépendance [d’Israël]. Une fois de plus la Cour choisit de diviser plutôt qu’unir».

Quant à Netanyahou, il en a rajouté une louche: «La décision de la Cour suprême est erronée et décevante. Il n’y a pas de place pour une commémoration qui compare le sang de nos enfants et celui des terroristes.» Sans commentaire.

L’auteur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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