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Intégration: pas à une contradiction près!

Après l’annonce de la fermeture de l’Ecole de parents l’an prochain, le Département de l’Instruction publique a fait – provisoirement? – machine arrière. Enseignante retraitée, Fiore Castiglione déplore que l’offre soit réduite à l’enseignement du français pour les parents nouvellement arrivés ou en grande difficulté linguistique.
Genève

Pour renouveler le permis de séjour, pour faire une demande de naturalisation, il faut démontrer que son niveau de langue est suffisant. D’ailleurs, cette démonstration passe par des examens devenus payants depuis peu. Et voilà qu’un nouvel obstacle se profile: la fermeture de l’école publique où des parents de langue étrangère peuvent apprendre le français. Cette nouvelle m’a peinée, moi qui ai enseigné pendant de nombreuses années à l’Ecole de parents. Cette structure, créée il y a plus de cinquante ans (1966) par le président du DIP, André Chavanne, devrait être fermée?

Au moment où l’Ecole de parents jouait pleinement son rôle de formation d’adultes ouverte à tous les milieux sociaux, il y avait des dizaines de cours du soir dans plusieurs Cycles d’orientation du canton. Des centaines de parents, même de milieu très modeste, qui désiraient aider leurs enfants dans les différentes branches enseignées au cycle suivaient des cours d’allemand, d’anglais, de maths, d’informatique, etc. André Chavanne avait compris qu’il y a un lien entre réussite scolaire et implication des parents.

Je me souviens fort bien d’une mère d’élève, qui n’avait pas pu poursuivre l’école au-delà de ses treize ans dans son pays d’origine, car elle avait dû aller travailler. A l’Ecole de parents, après le français, elle a pris des cours de latin pour aider sa fille. Celle-ci a pu faire des études de médecine. C’était l’époque où l’école publique mettait en œuvre la démocratisation des études. Cette époque est révolue. Ces dernières années, sous la pression du parlement et de sa Commission des finances, les économies budgétaires ont fait disparaître l’essentiel de cette école. Il ne reste plus que les cours de français. Cette année encore, si vous allez sur le site de l’Ecole de Parents vous pouvez lire: «Vous souhaitez apprendre le français ou vous améliorer dans cette langue? Vous souhaitez mieux vous intégrer dans la vie quotidienne à Genève et rencontrer d’autres parents (…)? Vous vous intéressez à la scolarité de votre enfant et souhaitez mieux comprendre ce qui lui est enseigné à l’école? Inscrivez-vous à l’Ecole de parents.»

Eh bien, à la prochaine rentrée, tout cela serait balayé! Et pourquoi? En touchant à l’Ecole de parents, les autorités n’ont peut-être pas pris la mesure de ce que ce lieu représente aussi bien symboliquement que dans les faits. Ce sont 700 parents qui n’auront plus la possibilité d’y suivre des cours, de l’alphabétisation au perfectionnement. Genève, «ville internationale et inclusive» est-elle vraiment si pauvre qu’elle ne peut plus se permettre d’avoir une Ecole de parents? Pourtant, en 2018, 24% de nos impôts vont à la formation, le poste le plus élevé.

J’appelle la Présidente du Département de l’Instruction publique à tout mettre en œuvre pour que l’Ecole de Parents ouvre à la rentrée 2019, continue à offrir ses cours à ceux qui en ont besoin pour s’intégrer dans notre société et reprenne son rôle de formation des adultes en lien avec le parcours scolaire des enfants et adolescents.

L’auteure est enseignante retraitée, ex-responsable des cours de l’Ecole de parents au C.O. du Marais.

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