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C’est un fait: l’électorat israélien est de droite

AU PIED DU MUR

Pendant plus de vingt ans, la gauche israélienne s’est persuadée que les victoires électorales de la droite étaient des accidents de parcours, et que la majorité des juifs israéliens ne partageaient pas la politique colonialiste ni les valeurs racistes de Benjamin Netanyahou et de ses alliés. «Vote de protestation» disait-on, «revanche contre l’humiliation des pères» (en fait, les grands-pères) par le pouvoir travailliste. C’était sans doute vrai entre 1977 et le début des années 1990, mais depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin, en 1995, l’extrême droite s’est installée au pouvoir et jouit du soutien politique et idéologique de la majorité de l’électorat juif. Ce qu’on appelle le centre-gauche ne représente qu’une minorité, et ces dernières élections le confirment clairement.

Dès la clôture du scrutin, le soir du 9 avril, Netanyahou annonçait qu’il avait une majorité confortable pour former un gouvernement de droite, et ce avant même d’entamer des négociations: 65 députés sur 120. La liste Bleu-Blanc menée par d’anciens chefs d’état-major a certes réussi à obtenir 35 sièges (un de moins que le Likoud de Netanyahou), mais cela n’a été possible qu’au prix de l’écroulement de ses alliés potentiels – en particulier le Parti travailliste –, privant ainsi Bleu-Blanc des moyens de constituer une majorité parlementaire. En d’autres termes, les généraux n’ont pas fait de percée significative dans l’électorat de Netanyahou. Comme me l’a dit un voisin, «corrompu ou non, il est notre leader incontesté contre les Arabes, contre l’Iran et contre la gauche et les médias qui nous vendent aux Arabes».

La liste Bleu-Blanc n’a absolument rien de gauche, et son programme est en fait identique à celui du Likoud. Sa raison d’être est de se débarrasser de Netanyahou, de la corruption qui le caractérise (quatre procédures juridiques en cours pour corruption et trafic d’influence) et de ses attaques systématiques contre l’Etat de droit et ses institutions. Le vote pour le général Gantz et ses alliés a été un vote «contre»: contre la corruption endémique de Netanyahou et son entourage et contre les menaces qui pèsent sur la nature même du régime.

Avec sa victoire éclatante et le soutien populaire dont il jouit, Netanyahou aura maintenant comme priorité de sauver sa peau sur le plan judiciaire. Par exemple en faisant voter la «loi française» qui empêcherait de juger un premier ministre en exercice ou encore une loi d’amnistie. Netanyahou dispose d’un soutien massif à la Knesset pour faire passer n’importe quoi. Et si jamais la Cour suprême osait casser le vote du parlement, les députés de droite ont d’ores et déjà annoncé qu’ils préparaient un texte constitutionnel réduisant les prérogatives de ce qui a été jusqu’à aujourd’hui considéré comme un garde-fou à ce que beaucoup appellent la «monarchisation du régime».

L’auteur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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