Chroniques

Changer de cap? Vous n’y pensez pas…

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Comment avons-nous été assez fous pour penser que faire faire des milliers de kilomètres à ce que nous mangeons, aux habits que nous portons, au moindre jouet de nos enfants n’allait pas un jour se payer cash? Eh bien nous y sommes. La planète qui étouffe nous présente aujourd’hui la facture. Elle est salée: la survie même sur Terre est menacée.

Nous aurons beau défiler matin, midi et soir pour le climat, cela ne va guère freiner les milliers de rotations de porte-conteneurs extrêmement polluants qui sillonnent les mers du monde pour nous livrer la quasi totalité de nos biens de consommation. Ni les vols d’avions qui crachent chaque jour produits frais et touristes aux quatre coins de la planète. Ni les camions qui font les derniers kilomètres pour livrer devant notre porte les paquets estampillés Amazon ou Zalando commandés sur internet.

Inverser la tendance? Vous n’y pensez pas. Dans la course effrénée de nos géniaux managers pour délocaliser vite et bien, le plus loin possible, là où la main d’œuvre est la plus taillable et corvéable à merci, nous nous retrouvons Gros-Jean comme devant, désormais incapables de fabriquer la moindre casserole, le moindre T-shirt (liste sans fin). Nous osons encore fanfaronner, un peu, face à la Chine. Mais c’est juste pour faire croire que nous détenons encore un bout de pouvoir, de dignité. Car comment ne pas s’incliner et dire merci à un pays, même si c’est une dictature, qui produit tout ce dont nous avons besoin, quasiment tout ce que nous consommons?

Cette réalité ne tombe pas du ciel, elle est le fruit du travail acharné de nos formidables dirigeants d’entreprises mondialisés et de leurs actionnaires; avec la bénédiction de nos élus qui sortent le tapis rouge à chaque occasion pour honorer la première puissance mondiale. La planète étouffe? Le climat s’emballe? Les rapports les plus alarmants s’enchaînent? La belle affaire. Ce n’est pas cela qui nous empêchera d’acheter des produits made in China – il n’en existe d’ailleurs quasiment plus d’autres –, d’aller à Bali pour les vacances ou d’acheter des haricots verts du Sénégal, ou bien?

Pendant que les incantations se multiplient pour dénoncer les conséquences dramatiques du changement climatique, que les gens sont dans la rue, le business as usual poursuit tranquillement sa route sur tous les continents. Ce qui a changé en revanche, c’est la communication, pour rassurer et calmer les «dear customers». Et là, c’est une réussite. En allant faire un tour sur les sites des multinationales du monde, vous penserez peut-être vous être trompés d’adresse et vous retrouver sur les pages d’une ONG puisque tout n’y est que «développement durable», «responsabilité sociale» et «protection du climat». Non, non, vous êtes bien sur le site de Nestlé, Unilever, Coca-Cola ou Bayer-Monsanto, dont la novlangue ne déçoit jamais. Sur Facebook, les posts du World Economic Forum sont d’ailleurs un modèle du genre, likés et partagés, du coup, y compris par des «militants climat». Belle performance sémantique pour le WEF, véritable pompier pyromane, promoteur de stratégies économiques portant une lourde part de responsabilité dans le désastre actuel.

Une pensée appuyée, donc, pour les prophètes de la «mondialisation heureuse», véritables bonimenteurs et autres apprentis sorciers, qui ont réussi à faire croire que le monde serait meilleur en faisant produire pour pas un rond aux quatre coins de la planète, dans des pays pauvres qui allaient ainsi se développer, grâce à leur «avantage comparatif». Zappant du coup les innombrables effets pervers d’une telle folie, récente dans l’histoire de l’humanité. Changer de cap pour éviter le pire? Disons, pour faire court, que ce n’est pas gagné. Les générations futures nous disent merci.

L’auteure est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

Chronique liée

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

lundi 8 janvier 2018

Connexion