Chroniques

Quand une institution psychiatrique devient autiste

À votre santé!

Cette année, dans l’Est vaudois et le Chablais, l’organisation sanitaire se modifie en profondeur puisque, cet automne, le nouvel Hôpital Riviera-Chablais Vaud-Valais, situé à Rennaz, aux portes de Villeneuve, sera fonctionnel. Il remplacera quatre sites de soins aigus, répartis entre Vevey et Monthey. Cela a forcément un impact sur l’ensemble du système de soins, tant public que privé. Mais c’est aussi une opportunité de bien organiser des filières de soins, en particulier autour de la personne âgée – doit-on rappeler que c’est là un des défis majeurs de santé publique de ce XXIe  siècle?

Quel ne fut pas mon étonnement lorsque j’ai appris incidemment, à mi-février, que le Centre thérapeutique de jour (CTJ) d’Aigle serait dès le 1er avril 2019 transféré à Vevey. Après consultation, j’ai compris que cette décision avait été prise sans consulter ni les soignants ni les usagers, encore moins le réseau qui entoure les patients. Tous ont été mis devant le fait accompli. Initialement, le déménagement devait avoir lieu en même temps que l’Hôpital Riviera-Chablais et sur le site de Rennaz. D’ailleurs ni le chef du Département de la santé valaisan ni les autorités politiques locales n’étaient au courant de ce transfert des patients du CTJ d’Aigle, décidé par la direction de l’Hôpital de Nant en catimini, en abandonnant même l’idée de garder une antenne chablaisienne à Rennaz ou à Aigle. Cela va contre la politique voulue par le Service de la santé publique (SSP) du canton de travailler en réseau, de mettre l’intérêt du patient au centre et de développer une vraie prise en charge de proximité des patients chroniques, en particulier dans le troisième ou le quatrième âge.

Pourtant ce CTJ répondait à un réel besoin de la population du Chablais (d’environ 40 000 habitants) et était apprécié des usagers; il avait comme caractéristique historique d’être associé à un Centre d’accueil temporaire (CAT), créant une dynamique intéressante entre des patients aux besoins différents, avec également un encadrement particulier, à cheval entre ce qui est prévu pour un centre thérapeutique de jour et un centre d’accueil temporaire. C’était une construction intelligente et pragmatique qui permettait d’avoir une structure d’accueil qui complétait bien l’offre de proximité des centres médico-sociaux ou EMS, ou encore centres d’hospitalisation psychiatrique, et permettait souvent de maintenir les patients à domicile ou de leur en assurer un retour en douceur.

Le directeur de l’Hôpital de Nant – qui a admis avoir agi sans concertation – m’a vanté le bien-fondé de la concentration sur un seul site à Vevey du CTJ, tant en termes de qualité d’encadrement que pour des raisons budgétaires, expliquant que le financement de ces prestations était de plus en plus difficile. Il m’a d’ailleurs précisé que différents professionnels n’avaient plus été remplacés ces derniers mois à Aigle et que les normes d’encadrement n’étaient plus respectées. Il m’a dit garantir le transport des patients jusqu’à Vevey – comme on transporte le bétail dans notre région d’un alpage à l’autre – sans indiquer si cela faisait partie du processus thérapeutique! A aucun moment, il ne s’est mis à la place du patient et n’a cherché à défendre un projet de soins, quitte à demander plus de moyens au canton ou à la région. Quel manque de sensibilité et de sens humain pour des gens qui prétendent s’occuper de «l’âme», ou du moins qui devraient être des spécialistes du bien-être de leurs patients, serait-on tenté de dire.

Le directeur a défendu son institution dans un contexte de concurrence et où le benchmarking est érigé en dogme. On ne peut pas lui en vouloir en soi. Cela montre néanmoins combien la planification sanitaire est difficile dans un contexte où la logique du financement prévaut sur la logique des soins. Et faire payer les failles du système aux patients est plus simple qu’aux décideurs ou aux prestataires: ils sont moins bien défendus.

Parviendrons-nous à faire sortir la Fondation de Nant de son autisme? La maladie semble bien installée et le patient peu accessible à la thérapie: n’a-t-il pas encore cette semaine confirmé ses intentions, sans en référer à personne?

La fondation répond

Sommes-nous autistes, comme nous qualifie le Dr Borel avec qui nous avons pris contact tout récemment pour échanger et lui présenter le dispositif de soins à la personne âgée pour le Chablais?

Nous lui avons à cette occasion exposé notre implication dans la région et notre collaboration étroite avec le Réseau de Santé Haut-Léman et l’EMS Tertianum Le Bourg. Collaboration qui a permis l’augmentation de 3 à 10 places du Centre d’Accueil Temporaire (CAT). Cela sera désormais un CAT spécialisé en psychiatrie de l’âge avancé. Jusqu’à maintenant, il n’y avait pas de CAT spécialisé au Chablais.

Les patient(e)s qui ont besoin d’un encadrement plus intensif et qui le désirent peuvent effectivement bénéficier des prestations de notre Centre thérapeutique de jour de Vevey, moyennant un transport à nos frais. Nous partageons avec le Dr Borel l’appréciation qu’il ne s’agit pas d’une situation idéale.

Le renforcement prévu de nos équipes mobiles et le maintien de consultations tant à Rennaz qu’à Aigle permettra une proximité adéquate avec les patients du Chablais.

Comme le Dr Borel l’a bien vu par notre demande de rencontre, il nous importe d’être en relation étroite avec tous les acteurs de terrain, qui sont là pour soigner la population du Chablais et de tout l’Est vaudois. Nous poursuivons dans cette voie de dialogue, plus volontiers encore en personne que par écrit. CHRISTIAN MOECKLI, Fondation de Nant

 

L’auteur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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