Édito

Frappes aveugles en Somalie

Frappes aveugles en Somalie
Le 1er mars dernier, la milice islamiste Al Shabab a répondu aux frappes étasuniennes par une attaque au cœur de Mogadiscio. KEYSTONE
États-Unis

Au nom de la lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis bombardent régulièrement la Somalie, fief de la milice islamiste Al Shabab. Un rapport d’Amnesty international paru mercredi1>«The hidden US war in Somalia: Civilian casualties from air strikes in lower shabelle» démontre que des civils en sont victimes, enfants y compris. Et évoque des crimes de guerre. Malgré les documents accablants de l’ONG, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) assure que chaque frappe n’a visé et tué que des cibles militaires. L’historique étasunien des «frappes chirurgicales» laisse dubitatif quant à cette défense.

George W. Bush, Barack Obama, et maintenant Donald Trump. A chaque nouveau gouvernement, les forces armées ont obtenu davantage de liberté pour lancer des frappes sur le sud de la Somalie. Depuis l’arrivée de Trump, c’est l’escalade: les bombardements ont triplé entre 2016 et 2017, dépassant ceux sur la Libye et le Yémen réunis. Pour ce début d’année 2019, l’AFRICOM admet avoir tué 225 personnes au cours de 24 raids aériens. Et des pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne et Italie) y participent en fournissant des informations stratégiques sur le pays.

L’enquête de terrain dénombre quatorze civils tués lors de cinq attaques. Extrapolé aux bombardements qui ont eu lieu depuis 2016, le chiffre total s’annonce bien plus lourd. Amnesty dénonce des frappes «indistinctes et disproportionnées». Depuis que Donald Trump a déclaré le sud de la Somalie «zone d’hostilités actives», tout homme ayant été observé à proximité de membres d’Al Shabab est une cible potentielle, sans besoin de prouver son statut de combattant. Et plusieurs paysans ont été tués alors qu’ils irriguaient leurs champs. Les familles, dévastées par le deuil, relatent la douleur de voir ce qui reste des corps de leurs proches saisis par Al Shabab, afin d’en faire des martyrs, leur interdisant des funérailles traditionnelles.

C’est l’autre enseignement de ce rapport: les Etats-Unis, le gouvernement fantôme somalien et l’organisation islamiste proche d’Al Qaida sont tous responsables d’atteintes au droit humanitaire, avec des effets dévastateurs sur les civils.

Pour quel résultat? Les centaines de frappes qui «ne touchent aucun civil» n’arrivent pas à bout des 5000 terroristes que comptait Al Shabab. Réaliste, Amnesty appelle à des mesures raisonnables: des enquêtes indépendantes sur les raids aériens, pour que les responsables soient jugés; la reconnaissance des pertes civiles et leur compensation; l’engagement que les précautions d’usage soient prises pour épargner la population. A l’heure actuelle, c’est trop en demander au gouvernement des Etats-Unis.

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