Édito

L’institution avant les victimes

L’institution avant les victimes
Le pape François et le cardinal Barbarin. Vatican media
Pédophilie

Une décision incompréhensible. Le pape refusait lundi la démission du cardinal Barbarin, pourtant condamné le 7 mars à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuels sur des mineurs commis dans son diocèse. Après des semaines de déclarations expiatoires, un récent sommet épiscopal supposé prendre mondialement le taureau par les cornes, la mise à pied spectaculaire d’un cardinal abuseur, Theodor McCarrick, François vient de saboter un processus où l’Eglise avait pu sembler retrouver la raison – et une certaine humanité. C’était compter sans un aveuglement millénaire.

Le plus haut dignitaire catholique de France, le primat des Gaules, sera donc un homme condamné par la justice. Car Mgr Barbarin reste archevêque de Lyon. Le fait qu’il laisse désormais la conduite des affaires courantes à l’actuel vicaire général n’y change rien. La ligne suivie par le pape est extrêmement ténue face aux vies brisées des victimes: il se retranche derrière la «présomption d’innocence» du prélat, née de l’appel du jugement du 7 mars. Alors que Mgr Barbarin avait décidé de démissionner avant le verdict. Et qu’il a reconnu avoir identifié le problème posé par le père Preynat sans savoir comment y répondre; prenant ses ordres à Rome, il a alors éloigné le prêtre coupable tout en veillant, comme cela lui a été demandé, à éviter le scandale public. Et donc à dénoncer.

A condition de l’endosser avec humilité, le jugement du 7 mars aurait permis à l’Eglise catholique de retrouver une stature morale en acceptant sa responsabilité face aux graves abus sexuels commis en son sein. Voire même de refaire entendre sa volonté de charité chrétienne, son souci des plus vulnérables. C’est la préservation de l’institution que vient de choisir le pape, de façon d’autant plus incompréhensible et choquante qu’il avait lui-même identifié le cléricalisme comme l’une des raisons des abus perpétrés. Il donne ainsi raison à ceux qui, à l’issue de la récente rencontre épiscopale à Rome, doutaient de la capacité de l’Eglise à se réformer réellement. I

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