Chroniques

Descartes ou Chef Seattle?

A rebrousse-poil

«Si le climat était une banque, il serait déjà sauvé.»

Entre amertume et provocation, qu’elle était belle, et réaliste hélas, cette pancarte brandie bien haut lors d’une marche pour le climat. Et qu’ils sont beaux ces jeunes par milliers qui manifestent dans nos rues depuis quelques semaines. Le mouvement, d’ailleurs, enthousiasme plusieurs générations, et il n’est pas rare de voir, aux côtés des lycéennes et des collégiens, des parents et des grands-parents, graves, qui leur apportent leur soutien.

Mais ce sont bien eux qui sont en première ligne, ceux qui auront à subir les effets du changement climatique dans un avenir proche, si rien n’est fait. Leur crainte? Que le réchauffement de la planète continue sur sa lancée, apportant son lot de catastrophes: fonte des calottes polaires, montée des océans, tornades, sécheresse… Avec les drames humains qui en découleront: déplacements de populations, famines, guerres. Leur revendication? Elle est toute simple, et légitime: laissez-nous une planète viable. Et surtout, à l’adresse des gouvernants: agissez, vite, et avec détermination!

C’est que le temps est compté, il y a urgence extrême à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La tâche est titanesque. Car il ne s’agit pas d’apporter une petite correction ici, un léger changement là. Non. Pour louables qu’elles soient, les actions individuelles ne suffiront pas. Il faudrait immédiatement et à l’échelle planétaire limiter les déplacements, modifier les habitudes de production et de consommation, cesser de piller les ressources. Le minimum à faire, c’est une transformation complète de notre mode de vie, c’est une refonte totale de notre système économique.
C’est une révolution!

C’est l’évidence, et pourtant quel décideur, quel personnage politique se risquera à prononcer ces mots? Et quelles forces démesurées, quelles inerties trouveront-ils en face d’eux, ceux qui tenteront de s’engager sur ce chemin? Certains, à court terme, tirent avantage de la dégradation de notre milieu vital: ils ne se laisseront pas dépouiller de leurs privilèges sans se défendre avec la dernière violence.

Je vois notre civilisation, où l’argent est le dieu suprême, où seul compte le profit, comme une énorme boule de granit, pesante, semblant indestructible. Il en faudrait des cris et des slogans, des manifestations, pour qu’elle commence à se fendiller. A moins que, conséquence de notre inaction, survienne un cataclysme…

Et pendant que la jeunesse, justement impatiente, envahit nos rues, les gouvernements palabrent et envisagent benoîtement de planifier une transition énergétique, qui amènerait, sauf imprévu et si tout va bien, une diminution des émissions de CO2 pour 2030 ou 2050. D’autres, financiers tout-puissants, spéculateurs n’écoutant que leur égoïsme, radotent et, raisonnant avec un siècle de retard, osent encore parler croissance et conquêtes de parts de marché!

Descartes affirmait que la connaissance permettrait à l’humain de se rendre «comme maître et possesseur de la nature». Pour lui, l’animal n’était qu’une machine dépourvue de sentiments, et l’homme, distingué par Dieu, était un être supérieur, complètement à part dans la Création. Ce qui lui donnait absolument tous les droits sur celle-ci. Depuis le XVIIe siècle, nous agissons en disciples de ce philosophe.

Il serait peut-être temps – mais n’est-il pas déjà trop tard? – d’écouter les paroles de sagesse du Chef indien Seattle. En 1854, répondant au président des Etats-Unis qui voulait acheter les terres de sa tribu, il disait: «Comment pourrions-nous vous vendre quelque chose qui ne nous appartient pas? La terre n’appartient pas à l’homme; l’homme appartient à la terre. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l’homme, tous appartiennent à la même famille. Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre…»

Opinions Chroniques Michel Bühler

Chronique liée

A rebrousse-poil

lundi 8 janvier 2018

Connexion