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Black History Month: trois vies, trois luttes

Black History Month: trois vies, trois luttes
Ancienne esclave, Harriet Tubman aurait participé à la libération de quelque 70 esclaves noirs. CC
L'histoire en mouvement

Le Black History Month [mois de l’histoire des Noirs] commémore chaque mois de février l’histoire de la diaspora africaine aux Etats-Unis. A cette occasion, nous présentons trois figures noires étasuniennes qui ont combattu parmi les opprimé-e-s dans des contextes historiques distincts, sur divers terrains de lutte, souvent au péril de leur vie.

Harriet Tubman

Née sous le nom d’Araminta Ross dans le Maryland aux alentours de 1820, Harriet Tubman grandit dans une famille d’esclaves travaillant sur une plantation. A l’âge de 12 ans, elle subit une grave blessure à la tête qui la handicapera toute sa vie et provoquera de récurrentes hallucinations qui participeront à forger chez elle un esprit religieux indissociable de son engagement anti-esclavagiste. En 1849, après une première tentative infructueuse, Harriet Tubman parvient à échapper à ses maîtres et entame un long périple de près de 150 kilomètres vers le nord, aidée en cela par le fameux Underground Railroad, un réseau de routes clandestines et de cachettes tenu par des militants abolitionnistes. Parvenue à Philadelphie, elle est engagée comme servante mais ne tarde pas à ressentir le besoin de venir en aide aux proches qu’elle a laissés derrière elle.

L’entrée en vigueur du Fugitive Slave Act l’année suivante, qui criminalise les esclaves ayant fui, même vers des Etats abolitionnistes, ne fait que renforcer sa conviction; en décembre 1850, elle retourne ainsi délivrer sa sœur. S’ensuivent alors de très nombreuses participations à des fuites d’esclaves qui la font vite connaître comme la «Moïse noire»: on estime qu’elle aurait participé au sauvetage de plus de 70 personnes vers le nord, souvent en direction du Canada. Après la guerre de Sécession, durant laquelle elle servit notamment comme infirmière, elle s’engage dans diverses causes, dont le suffrage féminin.

Oliver Law

Lorsque Harriet Tubman s’éteint en 1913 dans la maison de repos qui porte son nom, Oliver Law est à peine adolescent. Né dans le Texas, il s’engage en 1919 dans l’armée étasunienne et y sert pendant six ans, la majorité du temps le long de la frontière mexicaine. En 1932, dans le contexte de la Grande Dépression, il intègre le Parti communiste, avec laquelle il organise de nombreuses manifestations, notamment pour protester contre l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie de Mussolini en 1935. L’année suivante, il intègre la Brigade Abraham Lincoln, qui regroupe les volontaires étasuniens des Brigades internationales engagées dans la guerre civile espagnole.

Arrivé en 1937 en Espagne, il est l’un des 2500 brigadistes nord-américains – dont moins d’une centaine de Noirs – présents sur place. Il incorpore une division de mitrailleurs mais ne connaîtra pas la fin du conflit: le 10 juillet de cette même année, au cinquième jour de la bataille de Brunete, il est mortellement blessé à la poitrine par une balle franquiste. A la suite des lourdes pertes qu’avait essuyées sa brigade lors de la bataille du Jarama et en raison de son expérience militaire, Law avait été promu, faisant de lui le premier Noir américain à commander une unité militaire composée majoritairement de blancs.

Fred Hampton

Sortis victorieux de la Seconde Guerre mondiale, dont la guerre civile espagnole n’était finalement qu’un avant-goût, les Etats-Unis voient la question noire revenir sur le devant de la scène après 1945. Le mouvement pour les droits civiques ainsi que les protestations contre la ségrégation encore en vigueur dans le Sud agitent le pays tout au long des années 1950 pour culminer, à la fin des années 1960, dans diverses options politiques. Parmi celles-ci, le Black Panther Party (BPP), qu’intègre en 1966 le jeune Fred Hampton, alors âgé de 18 ans. Brillant orateur et militant infatigable, il ne tarde pas à prendre en charge la section de l’Illinois du parti et en fait rapidement une des plus actives du pays.

Mais le jeune Hampton ne se satisfait pas de faire grandir son organisation: il établit également des liens avec l’ensemble des communautés présentes dans les quartiers pauvres de Chicago. Ce succès attire l’attention du FBI, alors résolu à mettre fin à l’influence du BPP sur la jeunesse afro-américaine. Dans la nuit du 3 au 4 décembre 1969, une quinzaine d’agents fédéraux et de policiers prennent d’assaut l’appartement où loge Fred Hampton, alors profondément endormi par un somnifère administré la veille par un infiltré. Le jeune militant est abattu dans son sommeil, tout comme un de ses camarades. Les autres occupants de l’appartement sont inculpés pour tentative de meurtre sur les forces de l’ordre qui, officiellement, n’auraient fait que répliquer. I

 

L’association L’Atelier-Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation des peuples opprimés, des femmes et de la classe ouvrière, par l’organisation de conférences et la valorisation d’archives graphiques, info@atelier-hem.org

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