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Le moins cher possible

Raymond de Morawitz met en avant le cercle vicieux dans lequel nous nous sommes installés.
Consommation

Si comparaison n’est pas raison, il peut néanmoins valoir la peine de s’arrêter sur la notion du «moins cher possible», rapport soit au consommateur sûr que son bonheur réside dans l’économie à faire, soit à l’employeur qui baisse au maximum les coûts de sa production, sûr de son bon droit et que, «au final», son profit est un bienfait pour la société.

Côté consommateur, survie.

Celui qui tire le diable par la queue pour boucler ses fins de mois, vivant au seuil pauvreté voire en-dessous, n’achète que le moins cher, souvent au détriment de la qualité intrinsèque du produit, au détriment du social – conditions de production, – ou de l’écologie – pesticides, transports, emballages. De ce point de vue, malheureusement, le bon marché est un grave facteur de pollution et de destruction sociale, et est toujours trop cher, comme disait ma grand-mère…

En grand chef d’orchestre, la publicité – payée d’ailleurs par le consommateur lui-même – se charge de la promotion idéologique du «bon marché», avec le succès qu’on peut voir à la télévision et sur internet et dans les journaux, tant qu’il y en a encore.

Ceux qui ont encore quelques moyens emboîtent militairement le pas du moins cher possible, de sorte que la majorité de la société pense et dépense à l’unisson.

La soumission consommatrice est parfaitement rodée, assurée.

Malheureusement, il semble que cela entraîne notre société dans un mouvement descendant qui coule les pauvres eux-mêmes, les autres aussi, l’humanité elle-même, si ce n’est le royaume du vivant.

Côté employeur, c’est la course au profit. L’investisseur, l’actionnaire, l’entreprise en général –  multinationale, mais pas que –, sont obnubilés par la production la moins chère possible: avidité et courbes financières; exploitation, compression de salaire, licenciement, délocalisation, pollution, dépossession des ressources. On veut du gain, bulish or bearish, sans se soucier des conséquences qui jettent tant d’êtres humains dans la détresse, et laissent la collectivité payer les pots cassés. Comme les bombes: celui qui les largue ne voit pas les victimes.

Lesdites victimes contribuent d’ailleurs à leur propre malheur en collaborant activement, par sa consommation, à l’idéologie «bon marché».

Production, vente, profit, main dans la main avec consommation, mesurée par le sacro-saint «pouvoir d’achat» rabâché ad nauseam par tous les économistes. Le diable projette sur les murs l’ombre du chômage. C’est la grande peur qui nourrit l’obéissance. Le cercle vicieux est bien installé, durable.

Il est bien difficile de tourner la clef de notre prison et d’en pousser la porte restée toujours ouverte.
Sous le béton poussent toujours les petites herbes qui à terme craquent l’armure qui semblait si solide. Des failles se font jour. A chacun de voir ce qui peut, doit être soutenu, observé pour que le cercle vicieux devienne une ovale vertueuse. Post tenebras lux…

Raymond de Morawitz,
Genève

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