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Le dernier des Psikopats…

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Ce n’est pas la fin des maladies mentales graves que j’annonce, mais le numéro 3141>Psikopat n° 314, à paraître début janvier 2019, en vente pour deux mois, au moins., et dernier donc, de l’admirable mensuel d’humour et de bandes dessinées fondé par Paul Karali. Carali, de son nom de dessinateur, l’a dirigé, avec onze numéros par an, pendant presque trente ans. Le Psikopat partage des caractéristiques du Courrier, du moins de la version actuelle de ce dernier… D’abord le refus de toute pub et de toute soumission à des milliardaires, des fonds de pension, des groupes de presse ou à la censure par des industries polluantes, des sectes ou des magnats du luxe indécent. Ce qui lui permet d’étriller férocement, dans la joie et la bonne humeur, à coup de dossiers, de «tambouille», de BD’s et autres dessins de presse, ce qu’il y a d’odieux, d’irresponsable et de suicidaire dans nos sociétés. Il y a quand même des différences entre le Psiko et Le Courrier: le Psiko n’a jamais été catho, ni subventionné par le Vatican. Et Le Courrier n’a jamais montré de dessins de cul, de copulations, ni même ma photo à poil par Jean-Luc Dubin. Le Psiko a été le seul à la publier sans masquer la zone sensible que Science et Avenir, Elle et le Figaro Littéraire avaient noircie pour dissimuler, style Instagram, ma petite virilité! Le Psiko a donc maintenu trois décennies une ligne humaniste, généreuse, sensible, libertaire, de gauche, écologiste, anticapitaliste, antimilitariste et antireligieuse. Il a lancé plein de jeunes dessinateurs de grand talent, dont pas mal sont devenus célèbres ailleurs et après. Lors de l’arrêt de Siné Hebdo, le Psiko a repêché des naufragés de l’édition alternative, dont je fus. Et nous y avons découvert un monde de liberté d’écrire et de dessiner très rare. Comme dans le Courrier, on ne m’y a jamais changé, sans mon accord, un mot, une virgule, un titre, ni, a fortiori, refusé un texte, même quand je testais délibérément le boss, par pure provocation… Paul Karali est un type adorable, qui a choisi ses auteurs, mais respecté leur liberté tant qu’ils ne menaçaient pas l’entreprise, même s’il n’était pas d’accord avec eux… Et puis, si l’équilibre du journal a souvent été précaire, tout le monde était toujours un peu payé, sauf parfois le patron!

Alors, me direz-vous, pourquoi arrêter le schmilblick? Et bien parce que Paul, sur lequel tout repose, a décidé de revenir à ses amours premières: le dessin de presse, la BD et… la guitare basse, dans des groupes de rock. Et que la gestion d’un journal, la persécution d’administrations hostiles, la coordination de dizaines d’auteurs parfois bizarres – euphémisme! –, les fiches de paye et les courses des bouclages, ras-le-bol! L’artiste veut se consacrer à ses arts et en a marre de jouer les mères Térésa de l’information libre, honnête, drôle et pertinente, entre le raz-de-marée de la presse bourgeoise de désinformation et le tsunami de fakes vomi par internet. Et comme personne ne peut le remplacer, eh bien il arrête, alors que tout va bien… C’est dommage, mais personne ne peut le lui reprocher! Il faudra aller chercher ailleurs, dans Siné Mensuel, dans ses BD comme les succulentes Odeurs de brûlé et plein d’autres supports, son humour décoiffant, sa gentillesse et son amour de la vie et des gens. Des gens qu’il observe si bien dans les situations cocasses qu’il dépiste ou invente de toutes pièces. Une de mes préférées, vécue, est celle de ces soignants et malades qui l’avaient fusillé du regard alors qu’il rendait visite à un patient dans un service psychiatrique. Distrait comme souvent, il était entré dans la cour de l’hôpital avec la camionnette dont les flancs portaient, en grand format… le nom du Psikopat!

Paul nous a, en tout cas, démontré qu’avec du talent, du travail et de l’obstination, on peut créer durablement, même dans la presse papier qui pleure sur son sort, des espaces de liberté qui surnagent parmi des médias manipulés et censurés par l’argent et les chefs autoritaires. On a hâte de le retrouver ailleurs, enfin libre! Lui aussi…

Notes[+]

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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