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Le système de santé: un enjeu politique majeur, et pourtant!

À votre santé!

Le système de santé dans sa globalité est malade. Il est presque aux soins intensifs, mais nos autorités politiques ne parviennent pas à trouver des solutions – ou parfois ne les cherchent même pas – tant des forces contraires liées à des lobbies très forts s’opposent. Et pourtant, le risque est très grand que l’évolution du système de santé pénalise les familles, entraîne des inégalités et mette en danger son principe de base qui est la solidarité. D’ailleurs, c’est déjà partiellement une réalité.

• Si l’on prend son financement, le principe originel de «mutualité» (où les bien-portants payent pour garantir les soins des malades) s’érode progressivement. Il suffit de savoir que la Suisse est le pays de l’OCDE où les ménages payent le plus, directement avec leur revenu disponible; d’abord parce que les primes sont individuelles et sans relation avec le revenu, mais aussi parce qu’il y a une franchise – que le Conseil national veut encore augmenter – et une participation aux coûts (y compris une taxe de séjour hospitalier de 15 francs/jour) qui fait que pratiquement, si vous êtes malade, vous risquez, malgré votre assurance, de devoir débourser pas loin de 1000 francs par an – et pour autant que vous ayez opté pour la franchise minimale! Sans compter les trop nombreux types de primes qui permettent aux bien-portants de payer moins – il faut dire que, parfois, il n’y a pas d’autre solution pour équilibrer le budget de leur ménage. On pourrait aussi parler de la taxe d’appel aux urgences qui est déjà facturée dans de nombreux cantons, ou de la volonté de faire payer une taxe de 50 francs pour toute consultation aux urgences. Et que dire des augmentations des primes maladie qui varient sans contrôle politique, et dans une opacité totale?

• La répartition de la facture des soins entre les pouvoirs publics et les assurances est un sujet de tension permanente: on demande aux hôpitaux qu’ils soient «rentables», ce qui les pousse à développer le secteur ambulatoire, complètement à la charge des assureurs – et des malades! – et permet de diminuer la facture publique. Le lobby des assureurs n’est pas content, mais la droite du parlement est fâchée si les hôpitaux coûtent cher, tout en les accusant par ailleurs de concurrence déloyale vis-à-vis des confrères installés en pratique libérale… C’est la quadrature du cercle.

• La tarification médicale permet des excès, notamment dans certaines spécialités. Ce qui détourne les médecins du service public vers le privé, où ils peuvent gagner plus sans astreinte de garde (qui pourtant devrait être inhérente à la fonction médicale): on peut citer ici comme exemple les psychiatres ou les radiologues – deux spécialités très opposées – mais ils ne sont pas les seuls!

• Le prix des médicaments est largement surfait et certains traitements, pourtant reconnus efficaces par la communauté scientifique, ne sont plus toujours remboursés, parce que les multinationales pharmaceutiques n’hésitent pas à en refuser la commercialisation dans notre pays, plutôt que de baisser les prix, pour assurer des dividendes à deux chiffres à leurs actionnaires. C’est une situation inédite encore il y a quelques années et qui ouvre tout grand la médecine à deux vitesses.

• Le nombre de médecins spécialistes est trop grand et il devrait être impératif que les pouvoirs publics puissent réguler les nouvelles installations en fonction des besoins, ce qui est régulièrement remis en question par le parlement fédéral.

• La Suisse reste totalement rachitique en termes de programme de promotion de la santé et de prévention des maladies, et les efforts du Département de l’intérieur de M. Berset ont tous été recalés au niveau du parlement.

Ces différents points montrent quelques enjeux importants de ces prochaines années.

Il faudra soutenir toute initiative qui renforce la solidarité et l’accessibilité universelle aux soins et combattre vigoureusement le démantèlement de l’édifice d’assurance.

C’est dans cet esprit qu’a été lancée, le 31 octobre dernier, une association des «Engagés pour la santé», forte de près de près de 80 membres qui se disent «convaincus que la santé n’est pas une marchandise, et qu’il est temps de reprendre la main politiquement et d’imposer des limites si l’on ne veut pas que le système s’effondre, au détriment des plus fragiles».

C’est un début de réponse, qu’il vaut la peine de soutenir: cela peut être un contre-pouvoir aux sociétés médicales qui défendent une vision très libérale de la santé, sans se soucier des priorités de santé des gens.

Pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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