Édito

Entraves criminelles

’Aquarius a enfin pu reprendre la mer ce week-end. Cela faisait dix-neuf jours que le navire des ONG Médecins sans frontières et SOS Méditerranée se trouvait en escale forcée à Marseille. Sous un nouveau pavillon, il a mis le cap vers le large afin de poursuivre sa mission: sauver des vies. Celles de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe.  L’embarcation devrait bientôt atteindre la zone des secours, face à la Libye. Une nouvelle plus que bienvenue. Car, comme le révélait The Guardian, aucun bateau d’ONG ne patrouillait ces flots mortels depuis plus de trois semaines. Une dizaine d’entre eux étant bloqués dans des ports européens pour diverses raisons. Or, l’équation est simple: moins de navires d’ONG signifie moins de sauvetages. Et moins de sauvetages signifie davantage de noyés. La traversée de la Méditerranée est «plus mortelle que jamais pour les migrants», affirmait le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) le 3 septembre. Depuis le début de l’année, plus de mille six cents personnes ont perdu la vie dans leur tentative de gagner l’Europe par la mer, selon l’organisation. Des décès qui n’ont pas empêché les gouvernements italien et maltais, notamment, d’entraver tout l’été le travail des ONG. Et s’il faut combattre infatigablement les politiques et la rhétorique du nouveau pouvoir à Rome – dirigé par la Ligue, d’extrême droite, et par les populistes du Mouvement 5 étoiles –, il ne faut pas oublier de pointer le manque de collaboration de la plupart des autres pays européens pour se répartir l’accueil des réfugiés. Ni dénoncer le fait qu’ils votent année après année de nouveaux fonds pour l’agence Frontex, afin de renforcer la forteresse Europe, plutôt que de mettre en place un accueil digne. Et ce n’est pas avec l’actuelle présidence du Conseil de l’UE occupée par l’Autriche, où l’extrême droite participe aussi au gouvernement, que cela va s’améliorer. Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur de ce pays, qui accueillera un sommet européen mercredi et jeudi à Salzbourg, a proposé vendredi dernier de mettre en œuvre des «plates-formes de débarquement» en Afrique. Il faut le répéter. Se barricader n’empêchera pas des milliers de personnes de fuir leur pays. Et bloquer les bateaux de secours des ONG est criminel. Cela revient tout simplement à laisser mourir une partie des migrants en regardant ailleurs.  C’est d’autant plus grave que la sous-traitance accrue de la surveillance de la Méditerranée décidée par l’UE en faveur des gardes-côtes libyens consiste à renvoyer ceux qui sont repêchés dans un pays où ils subissent les pires violations de droits humains. I
Après 19 jours d'escale forcée à Marseille, l'Aquarius a pu reprendre la mer. Keystone
Migrants en Méditerranée

L’Aquarius a enfin pu reprendre la mer ce week-end. Cela faisait dix-neuf jours que le navire des ONG Médecins sans frontières et SOS Méditerranée se trouvait en escale forcée à Marseille. Sous un nouveau pavillon, il a mis le cap vers le large afin de poursuivre sa mission: sauver des vies. Celles de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe.

L’embarcation devrait bientôt atteindre la zone des secours, face à la Libye. Une nouvelle plus que bienvenue. Car, comme le révélait The Guardian, aucun bateau d’ONG ne patrouillait ces flots mortels depuis plus de trois semaines. Une dizaine d’entre eux étant bloqués dans des ports européens pour diverses raisons. Or, l’équation est simple: moins de navires d’ONG signifie moins de sauvetages. Et moins de sauvetages signifie davantage de noyés.

La traversée de la Méditerranée est «plus mortelle que jamais pour les migrants», affirmait le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) le 3 septembre. Depuis le début de l’année, plus de mille six cents personnes ont perdu la vie dans leur tentative de gagner l’Europe par la mer, selon l’organisation.

Des décès qui n’ont pas empêché les gouvernements italien et maltais, notamment, d’entraver tout l’été le travail des ONG. Et s’il faut combattre infatigablement les politiques et la rhétorique du nouveau pouvoir à Rome – dirigé par la Ligue, d’extrême droite, et par les populistes du Mouvement 5 étoiles –, il ne faut pas oublier de pointer le manque de collaboration de la plupart des autres pays européens pour se répartir l’accueil des réfugiés. Ni dénoncer le fait qu’ils votent année après année de nouveaux fonds pour l’agence Frontex, afin de renforcer la forteresse Europe, plutôt que de mettre en place un accueil digne. Et ce n’est pas avec l’actuelle présidence du Conseil de l’UE occupée par l’Autriche, où l’extrême droite participe aussi au gouvernement, que cela va s’améliorer. Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur de ce pays, qui accueillera un sommet européen mercredi et jeudi à Salzbourg, a proposé vendredi dernier de mettre en œuvre des «plates-formes de débarquement» en Afrique.

Il faut le répéter. Se barricader n’empêchera pas des milliers de personnes de fuir leur pays. Et bloquer les bateaux de secours des ONG est criminel. Cela revient tout simplement à laisser mourir une partie des migrants en regardant ailleurs.

C’est d’autant plus grave que la sous-traitance accrue de la surveillance de la Méditerranée décidée par l’UE en faveur des gardes-côtes libyens consiste à renvoyer ceux qui sont repêchés dans un pays où ils subissent les pires violations de droits humains.

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