Édito

Argentine: Le grand retour en arrière

Argentine: Le grand retour en arrière
Manifestation contre l'accord entre l'Argentine et le FMI le 9 juillet. KEYSTONE
Argentine

Retour vers le passé! C’est le titre que donnent de nombreux Argentins à la présidence du libéral Mauricio Macri, qui a succédé à la péroniste Cristina Kirchner en décembre 2015. Endettement massif du pays, programmes d’austérité – en partie réclamés par le Fond monétaire international –, baisse de l’activité productive, fermeture de petites et moyennes entreprises, paupérisation de la population: la situation économique actuelle rappelle à beaucoup la terrible crise qui avait ravagé le pays au tournant du millénaire et qui a explosé dans la colère et le sang fin décembre 2001. Avec comme ingrédients additionnels, une forte inflation (elle devrait atteindre plus de 30% à la fin de l’année) et une brusque et récente dépréciation d’un tiers de la valeur du peso face au dollar.

La colère gronde ainsi à nouveau. Mauricio Macri avait promis une «pluie d’investissements» étrangers et une rapide solution à l’inflation qui s’était installée au cours des dernières années Kirchner. Sans résultat. Au contraire même, en supprimant les subsides aux anciens services publics (eau, électricité, gaz, etc.) le gouvernement a précipité une explosion de leurs prix (entre +451% et +973%) qui a très durement touché la population mais aussi l’activité économique.

Quant aux quelques investissements qui se sont effectivement dirigés vers l’extrême sud de l’Amérique latine, ils sont vite repartis vers le nord, tels des hirondelles, après avoir ciblé des produits financiers à très courts termes. Dans le même temps, le gouvernement a décidé de payer rubis sur l’ongle les milliards que réclamaient les «fonds vautours» étasuniens, des boîtes spécialisées qui avaient spéculé sur la dette argentine alors que l’Etat était en faillite au début du siècle. Et pour cela, l’Argentine a recontracté de la dette.

Tout en continuant de pourfendre la «corruption» et «l’inefficacité» des gouvernements précédents, Mauricio Macri poursuit la mise en place de son programme. Refaire de Buenos Aires une plateforme financière, tout en retransformant le reste de l’Argentine en un des leaders mondiaux de l’exportation agroindustrielle. Et, il l’espère, pétrolière. Pour couronner le tout, le président, qui a déjà à maintes reprises répondu à ses détracteurs par la répression et les poursuites judiciaires, a annoncé il y a dix jours avoir signé un décret autorisant les forces militaires à intervenir sur le territoire national. Dans un pays encore traumatisé par la sauvage dictature militaire qui a tué et fait disparaître 30000 opposants entre 1976 et 1983, tout en libéralisant drastiquement l’économie, la lecture du passé fait craindre des lendemains particulièrement sombres.

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