Édito

Conflit de loyauté

Conflit de loyauté
Ignazio Cassis, au centre, avait décidé d'abandonner son passeport italien pendant la campagne électorale de l'année passée. KEYSTONE-prétexte
Binationalité

La binationalité est-elle un vilain défaut? En Suisse, terre d’immigration où 20% des citoyens et citoyennes possèdent un autre passeport1>Emission Vacarme, RTS, «Les binationaux sont-ils des Suisses comme les autres?», diffusée du 5 au 11 février., ce droit paraît acquis. Or le débat refait parfois surface, retour du refoulé. En cette année de Mondial, la Suisse a vu le débat s’enflammer autour de Xherdan Shaqiri et Granit Xhaka, menant un politicien PDC membre de l’Association suisse de football à suggérer de ne former que des jeunes qui renonceraient à leur double nationalité. A l’heure où les allocutions du 1er Août aiment célébrer la cohésion nationale et les «valeurs fondatrices» de la Confédération, la question se pose.

La peur fondamentale, au cœur du débat? Une crainte longtemps nourrie par les risques de conflits. La question du «quel camp choisirais-tu?» n’a pas totalement disparu des esprits. Avec, en filigrane, le besoin d’être rassuré: «Dis-nous que tu es bien Suisse d’abord.» Pour les institutions, c’est le soupçon d’ingratitude qui pèse: lorsqu’on a vu ses études payées dans un pays, n’est-il pas tentant d’aller exercer ses compétences ailleurs?

La donne change également selon la couleur du second passeport: un ressortissant français ou algérien ne s’entendra pas poser les mêmes questions. Enfin, certains replis identitaires sont la conséquence d’un monde globalisé et hyper compétitif, où chacun devient le concurrent de l’autre. D’où l’importance de tisser des solidarités fortes, y compris internationales, et d’assurer un filet social pour toutes et tous qui n’attise pas ces réflexes.

Les événements à forte valeur symbolique laissent ressurgir ces crispations. On l’a vu pour le football, mais aussi lors de l’élection au Conseil fédéral en 2017, lorsque deux des prétendants sur trois avaient une autre nationalité. Fait qui avait déplu à l’UDC, qui attaque régulièrement ce principe. Pierre Maudet avait envisagé d’abandonner son passeport français en cas d’élection. Ignazio Cassis a laissé son sésame italien avant sa nomination. Les procès d’intention à l’encontre des deux élus PLR semblent dérisoires face à d’autres doubles loyautés que l’on rencontre en exerçant le pouvoir. Les conflits d’intérêts sont une réelle question en politique et tandis que la droite s’attaque à un volet identitaire, la gauche a en général les yeux rivés sur les lobbys économiques. Au final, Ignazio Cassis aura bel et bien cédé son passeport italien. Pas la casquette de représentant des assurances maladie, dont le Bund a révélé en août dernier qu’elles continueraient à lui verser un salaire conséquent.

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