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La ministre des Sports marque contre son camp

AU PIED DU MUR

Selon la tradition juive antique, «les tâches des Justes sont réalisées par d’autres personnes». Si tel est le cas, les militants de BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) et leurs supporters sont des Justes.

Annuler un match international de football n’est pas une mince affaire. Pour celui qui devait opposer l’Argentine à Israël [le 9 juin], de grandes sommes d’argent ont été investies, dans la publicité notamment, et des milliers de billets ont été vendus à l’avance. Car nombreux sont les Israéliens qui voulaient voir en live Lionel Messi et ses camarades. Nous savons par ailleurs que l’équipe argentine, qui ne souhaitait pas interrompre ses entraînements intensifs en vue de la Coupe du monde en Russie, a subi de fortes pressions pour aller jouer en Israël. Finalement, le match n’a pas eu lieu et les Argentins sont restés chez eux à poursuivre leur préparation pour le Mondial.

Qui sont ces «autres personnes» qui ont réalisé les tâches des Justes de BDS? En fait, il s’agit d’une seule et unique personne, celle-là même qui n’a ménagé ni ses efforts ni l’argent du contribuable pour produire ce match: la ministre des Sports, Miri Reguev, amie proche de Sarah Netanyahou, l’épouse du premier ministre. Déjà à l’époque où elle était la porte-parole de l’armée, le fait est connu que la générale Reguev ne se distinguait pas par sa finesse d’esprit. Toute sa carrière politique est pavée de déclarations provocatrices, de propos racistes et d’initiatives controversées même au sein de son propre camp. Cette fois, Miri Neguev a battu tous les records au palmarès de la stupidité.

Ignorant sciemment l’absence de sympathie suscitée par Israël après le massacre de dizaines de civils aux frontières de Gaza, et tout particulièrement en Amérique latine, la ministre ne s’est pas contentée d’organiser un événement sportif, mais a voulu faire de la venue de l’Albiceleste un soutien argentin à la politique agressive du gouvernement Netanyahou: les médias devaient mettre en valeur les poignées de main et les accolades avec les dirigeants de l’Etat hébreu. Pis: Reguev a décidé de déplacer le lieu du match de Haïfa à… Jérusalem; et cela au moment même où Donald Trump et Netanyahou prenaient le parti de bafouer le droit international concernant la ville, provoquant une colère monstre à travers le monde musulman.

Trop c’est trop. Et l’équipe d’Argentine décida d’annuler le match.

La déroute de la ministre des Sports est à la mesure de la provocation qu’elle avait orchestrée! Mais, loin de tirer les conclusions de sa gigantesque erreur de lecture de la réalité, l’ex-générale Miri Reguev a contre-attaqué: utilisant le mot magique cher à son patron, elle a invoqué «le terrorisme», ainsi que des menaces sur la vie de Messi et de ses camarades proférées par… les militants de BDS. Arguments immédiatement récusés par les dirigeants de l’équipe argentine.

Si j’avais un conseil à donner à Miri Reguev – qui est aussi ministre de la Culture –, c’est d’écouter les professionnels du Ministère des affaires étrangères qui essaient de sauver ce qu’il reste de la respectabilité d’Israël à travers le monde. En 2019, l’Eurovision doit se dérouler en Israël. La ministre devra gérer cet événement qui, sans aucun doute, provoquera une vaste campagne BDS. Si Miri Reguev s’obstine à maintenir l’événement à Jérusalem, cette campagne sera soutenue bien au-delà du cercle des militants et sympathisants de BDS. En entendant son discours enflammé et provocateur à la parade annuelle pour Israël qui s’est déroulée récemment à New York, on aura compris que les tâches des Justes de BDS sont bien prises en main par la ministre des Sports et de la Culture.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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