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Alors Docteur, le soleil, c’est bon ou mauvais?

À votre santé!

Après ce long hiver, qui n’a pas ressenti ce bonheur de pouvoir se faire chauffer au soleil quelques minutes? C’est sûr, le soleil fait du bien! Mais c’est surtout l’exposition à la lumière naturelle qui, à travers la synthèse des précurseurs de la mélatonine, permet à l’horloge biologique de bien fonctionner – en principe différemment l’hiver et l’été, ce que nos rythmes de vie sociaux ignorent complètement. C’est peut-être là un début d’explication de la dépression dite saisonnière, liée au manque d’ensoleillement, qui toucherait 1 à 2% de la population.

L’exposition au soleil est importante également pour l’absorption et le stockage de la vitamine D, très utile dans la prévention du rachitisme et de l’ostéoporose, mais aussi fortement impliquée dans différents mécanismes biochimiques, moins connus mais bien établis scientifiquement, qui touchent à l’immunité. Ces mécanismes permettent de mieux se protéger contre les maladies infectieuses – d’ailleurs, nos prédécesseurs l’avaient observé, eux qui ont bâti des sanatoriums dans nos montagnes pour lutter contre la tuberculose – et contribuent aussi à empêcher l’apparition de maladies auto-immunes. Or, 50% de la population suisse présente une carence de vitamine D, surtout en fin d’hiver. C’est un défi qu’il faut affronter. Doit-on supplémenter notre alimentation ou s’exposer plus longtemps à la lumière du soleil? – en sachant que cette vitamine a un avantage: elle se stocke!

Bien sûr, l’exposition au soleil direct, surtout en début de saison, et entre 11h et 15h, peut entraîner des effets négatifs: coups de chaleur (avec déshydratation et fièvre), coups de soleil (vraies brûlures, de premier voire de deuxième degré avec cloques) dont la vitesse d’apparition dépend du type de peau. C’est dire qu’il faut savoir se protéger, en portant des habits recouvrants mais légers, un chapeau, et peut-être tout simplement, comme font tous les gens sous les Tropiques, en se mettant à l’ombre. Les lunettes de soleil sont aussi utiles puisque, selon l’OMS, 20% des cataractes – première cause de cécité dans le monde et objets d’opérations très fréquentes dans nos pays (d’ailleurs très chèrement payées, mais c’est une autre histoire!) – sont directement liées aux expositions solaires, et que l’effet des UV est cumulatif tout au long de la vie.

La protection par les crèmes solaires est beaucoup plus discutable: d’abord parce qu’elle ne protège pas contre le risque de mélanome, comme le révèle une étude dite de méta-analyse (reprenant les conclusions de plusieurs études scientifiquement bien menées) publiée en avril 2018. Cela met à mal un des pans de la prévention rappelée chaque année à pareille époque.

Et l’on en sait un peu plus sur certains composants de ces crèmes solaires, bien que peu d’études aient porté sur les effets généraux des filtres UV. L’un d’eux a été trouvé dans 96 % des échantillons d’urine aux Etats-Unis et plusieurs filtres UV dans 85 % des échantillons de lait maternel de femmes suisses. De nombreuses crèmes contiennent des nanoparticules et, fait plus préoccupant encore, des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien prouvé. Il faut rappeler que les crèmes écran-total n’existent pas et que si l’on s’expose sans autre protection, il faut régulièrement en remettre  –ce qui, en été, peut concerner de grandes surfaces corporelles. Récemment, une alerte scientifique a été lancée par la Food and Drug Administration (FDA) sur le risque d’inhaler des particules contenues dans les sprays solaires au moment de leur application.

Enfin, il n’est pas anodin que l’Etat de Hawaï ait décidé récemment d’interdire, d’ici 2021, deux composants que l’on retrouve dans la plupart des crèmes solaires, l’octinoxate et l’oxibenzone: ces produits sont un facteur majeur de destruction de la flore et de la faune marines, et en particulier de la barrière de corail, un des attraits touristiques hawaïens.

Bien sûr, les crèmes solaires représentent un grand marché et il suffit de regarder autour de nous pour constater le marketing agressif de leurs producteurs. Ce qui est plus troublant, c’est que ce marché a la caution un peu «aveugle» des médecins, en particulier les dermatologues, et des milieux de la prévention. Ils oublient aussi de nous dire que ces crèmes peuvent diminuer jusqu’à 85% de l’absorption de la vitamine D!

Alors, profitez du soleil, protégez-vous par des moyens naturels et utilisez les crèmes solaires avec parcimonie, et en lisant si possible les étiquettes!

Bon été.

* Pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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