Chroniques

Zoologie et physiologie pour législateurs!

ACTUALITÉS PERMANENTES

Le Conseil fédéral a décidé, lors de sa séance du 10 janvier 2018, d’adapter des ordonnances du domaine vétérinaire:
«…les décapodes marcheurs vivants, tels les homards, ne peuvent plus être transportés sur de la glace ou dans de l’eau glacée. Désormais, les espèces aquatiques doivent toujours être détenues dans leur milieu naturel. Les décapodes marcheurs doivent dorénavant être étourdis avant la mise à mort. La pratique consistant à plonger les homards vivants dans de l’eau bouillante, courante dans la restauration, n’est plus admise.»

Le Conseil fédéral ignore donc que les homards bretons, british et américains ont pour milieu naturel l’eau de mer froide ou glacée, selon la saison! Par ailleurs, refroidir avant la «mise à mort» (quelle corrida!) est un moyen commode et peu douloureux de les «étourdir». Des interprétations préconisent un «étourdissement électrique» ou d’assommer les condamnés à la dégustation. La chaise électrique n’est pourtant pas réputée éviter la douleur. Quant à assommer, ceux qui le préconisent n’ont jamais tenu un homard vivant en mains! On peut, croyez mon expérience, tuer en une seconde un homard par une incision entre les mandibules vers ses ganglions cérébroïdes. Bien faite, elle évite les soubresauts de la queue et la perte, à l’ébullition, du précieux hépatopancréas, qui donne le goût de la bisque.

Le Conseil fédéral est imprudent en généralisant son système aux «décapodes marcheurs vivants». Ce qui implique aussi les langoustes et cigales de mer, difficiles à transporter «dans leur milieu naturel», mais également de nombreuses petites espèces: écrevisses, crevettes, squilles… Devra-t-on aussi assommer ou électrocuter les écrevisses? Et puis, pourquoi se limiter aux «décapodes marcheurs»? Les crustacés nageurs sont-ils moins dignes d’empathie que les marcheurs? Et puis surtout, pourquoi la souffrance des gros crustacés serait elle plus grave que celle des petits? Est-on bien sûr que les crevettes artémias congelées ou lyophilisées et les daphnies séchées dont on nourrit les poissons d’aquarium sont mises à mort sans souffrances? Par ailleurs, les souffrances à l’étranger des homards et langoustes que l’on importe congelés, surgelés ou en plats cuisinés sont-elles moins graves que la douleur crustacienne des restaurants helvètes? Espère-t-on refouler la souffrance, comme les immigrants?

Il y a un quart de siècle, j’avais dénoncé, dans Charlie Hebdo, le «génocide des Collemboles», des insectes à grosse tête, mignons comme des peluches, mesurant, la plupart, moins d’un millimètre. Une étude scientifique du piétinement avait montré que chaque pas dans une forêt humide en tuait en moyenne huit cents et en estropiait bien plus! Or les centres de la douleur d’un cerveau de collembole ou d’artémia n’ont aucune raison de nous inspirer moins de sympathie que ceux d’un homard, juste parce qu’ils sont trop petits pour les manger… Comme il ne serait pas raisonnable d’interdire de marcher dans les forêts, nous devons nous résigner à mutiler atrocement et massacrer au quotidien des milliards de collemboles et autres bestioles… A côté, l’ébouillantement de quelques milliers de décapodes, c’est roupie de sansonnet!

Parlons un peu maintenant de la douleur et de ses centres nerveux. La douleur est un avertisseur sans lequel nous ne pouvons pas vivre et qui contribue aux apprentissages – ne serait-ce que pour l’éviter! Elle peut fonctionner en causant des réflexes dont la conscience dépend de centres nerveux supérieurs, comme le cortex des vertébrés. Rien ne prouve que les invertébrés ont ou n’ont pas l’équivalent. Par ailleurs, les réflexes de fuite ou d’évitement, comme l’agitation du ver de terre coupé en deux, se produisent aussi bien dans la partie tête que dans la partie queue, laquelle n’a pas de possibilité de représentation de la souffrance. Rien ne permet donc d’affirmer ou d’exclure que le homard ou le ver de terre souffre comme nous, sinon les illusions de l’anthropomorphisme.

* Chroniqueur énervant.

Opinions Chroniques Dédé-la-Science

Chronique liée

ACTUALITÉS PERMANENTES

lundi 8 janvier 2018

Connexion