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Même la droite se mobilise

AU PIED DU MUR

Une blague court dans les cercles militants: devrons-nous bientôt manifester pour défendre la police? A écouter Benjamin Netanyahou et sa garde rapprochée, la police est devenue l’ennemi public numéro un: devant les membres du Likoud réunis spécialement pour exprimer leur soutien au premier ministre encore en place, celui-ci n’a pas mâché ses mots contre les «élites» qui veulent priver le peuple de ce qui fut leur choix démocratique aux dernières élections. Les élites, ce sont les instances judiciaires, les médias et maintenant aussi la police.

Netanyahou serait-il soudain devenu un gauchiste ulcéré par les violences policières dans les territoires occupés ou les quartiers populaires? Non, bien sûr. S’il s’en prend à la police, c’est que celle-ci, qui pourtant n’a pas le nez fin, est submergée par les relents de corruption provenant de la résidence du premier ministre et de son entourage. Entourage? Plus beaucoup de monde, car on ne compte plus les ministres, députés et chefs de cabinet mis en examen, voire déjà inculpés, pour corruption ou malversation. L’odeur est si pestilentielle que la police ne peut plus se contenter de se boucher le nez.

Loin de répondre aux appels de plus en plus pressants à démissionner, Netanyahou contre-attaque, mais il semble que ce soit un combat d’arrière-garde. Le dernier à avoir dû quitter son poste est le député David Bitan, jusqu’il y a peu chef de la coalition gouvernementale à la Knesset. Il a été remplacé par David Amsalem, lequel ne fait pas dans la dentelle pour défendre son patron en difficulté: «Ce qui se passe ces derniers jours est extrêmement grave. Nous sommes confrontés à une armée gigantesque composée de toutes (sic) les institutions politiques et médiatiques, et dont le seul but est de faire tomber Netayahou.»

Si jusque récemment l’opposition à Netanyahou était issue du centre-gauche, nous sommes depuis quelques jours témoins d’un phénomène nouveau: des manifestations se réclamant de la droite demandent elles aussi la démission de celui que ces milieux placèrent au pouvoir, il y a maintenant plus de douze ans.

«L’idéologie du Grand Israël ne justifie pas tout et n’importe quoi – en aucun cas un Etat pourri par la corruption», affirme un ancien de l’Irgoun, l’organisation terroriste dirigée jadis par Menahem Begin. Et de renchérir: «S’il le faut, je voterai pour la gauche, car nous ne nous sommes pas battus pour que la génération suivante se fasse de l’argent sur le sang versé par nos camarades.»

Cette droite historique n’a plus rien de commun avec le Likoud de 2017, avec une droite qui vocifère «Netanyahou roi d’Israël». La première était ultra-nationaliste, avec tout ce que cela implique de violence et de crimes de guerre; la seconde est composée de voyous dont le racisme anti-Arabe cache à peine la volonté de s’en mettre plein les poches grâce à leurs liens avec le pouvoir politique. Ils sont à l’image de leur chef.

*Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem)

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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