Des enfants contre l’occupation
Elle est devenue en quelques jours le nouveau visage de la résistance à l’occupation militaire israélienne. A 16 ans, Ahed Tamimi a été transformée d’autant plus aisément en icône en Occident qu’elle affiche ses généreuses boucles blondes et, désarmée, vous fusille de ses yeux bleus.
Le 15 décembre dernier, l’adolescente a bousculé et tenté de donner des gifles et des coups de pied à des soldats israéliens en faction dans la cour de sa maison. La veille, un jeune de sa famille, Mohamed, 15 ans, avait reçu une balle à bout portant en pleine tête, frôlant la mort. Arrêtée le 18 décembre chez elle en pleine nuit par l’armée après la diffusion d’une vidéo des événements devenue virale sur les réseaux sociaux, Ahed Tamimi risque plusieurs mois d’emprisonnement, plusieurs années selon le ministre de l’Education israélien.
Le tribunal militaire israélien d’Ofer a retenu lundi douze chefs d’inculpation contre la jeune fille. Sa réaction contre les soldats est qualifiée d’«attaque dans des conditions aggravées», de «menaces» – «sortez ou je vous frappe!» aurait-elle proféré. Les procureurs sont aussi allés fouiller dans son passé de militante et l’accusent désormais d’avoir jeté des pierres contre les «forces de l’ordre», ce qui même pour un mineur est durement puni dans les territoires occupés par Israël. Ahed Tamimi n’en est pas à sa première altercation avec les militaires: à 11 ans, elle les houspillait déjà en tête des cortèges, le point levé. Cette image a fait le tour du monde.
La jeune fille vient d’un village de Cisjordanie particulièrement touché par la brutalité de la colonisation. Le hameau de Nabi Saleh partage son unique route avec la colonie israélienne de Halamish, construite à partir de 1978 sur la colline d’en face, entraînant une militarisation marquée de la zone. Ses terres et ses sources d’eau ont été régulièrement confisquées par les colons et l’armée. Chaque semaine, les familles de Nabi Saleh organisent des marches pacifiques durement réprimées, entraînant son lot de blessés et de morts.
A Nabi Saleh, comme ailleurs en Palestine, des enfants luttent aux côtés de leurs parents et de leurs frères et sœurs. Souvent dissuadés, parfois encouragés, ils accompagnent les manifestations. Certains s’en vont aussi seuls sur les routes munis de leur lance-pierres ou organisent leurs propres rassemblements, risquant à tout moment un tir mortelSelon le Ministère palestinien de l’information, les forces israéliennes ont tué 3000 mineurs palestiniens entre 2000, date de la deuxième Intifada, et avril 2017.. Ces dernières années, désespérés, certains sont allés jusqu’à l’attaque suicide au couteau, parfois aveugle, toujours criminelle, jusqu’en Israël même. Lors du dernier décompte en août dernier, 331 mineurs palestiniens étaient incarcérés, la plupart pour avoir jeté des cailloux. Leur sort, comme celui d’Ahed Tamimi, ne suscite généralement aucune compassion en Israël, regrette, amer, le journaliste Gideon Levy dans le quotidien israélien dissident Haaretz: «Il n’y plus d’injustice qui puisse encore toucher notre conscience, qui s’est complètement éteinte.» Sévère?