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Mariage homosexuel: le droit au respect de la vie privée

Chronique des droits humains

Le 14 décembre dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a dit, par cinq voix contre deux, que l’Italie avait violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale. Six couples homosexuels, d’origine italienne pour la plupart, se plaignaient de ne pas avoir pu faire enregistrer ou reconnaître en Italie sous quelque forme que ce soit leurs mariages contractés à l’étranger1 value="1">1 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 14 décembre 2017 dans la cause Francesca Orlandi et autres c. Italie (1ère section).

Trois couples s’étaient mariés au Canada, un en Californie et les deux derniers aux Pays-Bas. En 2011 et 2012, deux couples, qui résidaient en Italie, cherchèrent à faire enregistrer leur mariage dans leur commune, mais se sont heurtés à un refus fondé sur une circulaire du Ministère de l’intérieur italien de 2001, qui indiquait qu’un mariage contracté à l’étranger par des personnes de même sexe, dont l’une avait la nationalité italienne, ne pouvait être enregistré parce qu’il était contraire aux règles d’ordre public. Deux autres couples se sont également heurtés à un refus de leurs villes de résidences respectives, Naples et Rome, qui, par la suite, acceptèrent ces demandes en 2014. Toutefois, ces décisions furent annulées à la suite d’une nouvelle directive du Ministère de l’intérieur. Les deux derniers couples échouèrent à faire reconnaître leur mariage, même après une procédure judiciaire pour l’un des couples.

La Cour reconnaît que les Etats sont libres de restreindre le mariage aux couples hétérosexuels, mais elle considère que les couples homosexuels ont besoin d’être reconnus légalement et de protéger leur relation. Dans une précédente affaire concernant également l’Italie, la Cour avait conclu à une violation du droit au respect de la vie privée parce que l’Etat n’offrait pas un cadre légal suffisant aux unions homosexuelles. Il existait certes, depuis décembre 2013, la possibilité de contracter un accord de cohabitation, mais pareil accord n’avait qu’une portée limitée. Il n’assurait pas certains besoins fondamentaux indispensables à la réglementation de la relation existant au sein d’un couple uni de manière stable, comme le soutien matériel mutuel, l’obligation alimentaire et les droits de succession2 value="2">2 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 juillet 2015 dans la cause Enrico Oliari et autres c. Italie (4ème section).

Il y a plus de vingt ans, le Tribunal fédéral avait également considéré qu’un mariage conclu entre personnes du même sexe heurtait l’ordre public suisse et qu’un tel mariage conclu au Danemark ne saurait être reconnu en Suisse3 value="3">3 ATF 119 II 264, JT 1996 I 336. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le partenariat enregistré, le 1er janvier 2007, un mariage valablement célébré à l’étranger entre personnes de même sexe est reconnu en Suisse en tant que partenariat enregistré.

Cette solution pourrait être admissible au regard de la Convention, compte tenu de la dernière jurisprudence de la Cour. Cependant, la doctrine relève des difficultés que cette solution ne résout pas. Ainsi, le sort de droits acquis à l’étranger en vertu d’une loi accordant le mariage aux couples de même sexe, dont les partenaires enregistrés d’une relation homosexuelle ne jouissent pas, n’est pas encore tranché par la jurisprudence. Tel est le cas, par exemple, de l’adoption d’un enfant que permettrait le mariage étranger, mais non le partenariat enregistré.

Ces difficultés pourraient être surmontées par l’adoption d’une modification de la Constitution, et des lois y relatives, proposée par une initiative parlementaire déposée au mois de décembre 20134 value="4">Initiative du Groupe Vert libéral 13.468., mais qui est toujours à l’examen des Chambres fédérales.

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Opinions Chroniques Pierre-Yves Bosshard

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