Chroniques

Le pyromane de la Maison-Blanche

AU PIED DU MUR

Nombreux sont celles et ceux qui, depuis l’élection de Donald Trump, vivent la peur au ventre, avec le sentiment que le président étasunien est capable d’une initiative imprévisible qui mettrait réellement en danger la sécurité de la planète. Cet homme représente effectivement un danger pour le monde, d’autant qu’il n’écoute personne, pas même ses plus proches conseillers qui, l’un après l’autre, se séparent de leur patron.

Jusqu’à présent, la plupart des bombes lancées par Donald Trump ont été verbales; si d’aventure elles étaient mises à feu, leurs effets seraient différés. Tel n’est pas le cas de la récente déclaration présidentielle concernant Jérusalem. En dépit de centaines de résolutions internationales et des mises en garde répétées du Département d’Etat étasunien, Trump vient de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat d’Israël, et de celui-ci uniquement.

S’il avait voulu provoquer une vague d’indignation mondiale et mettre le monde au bord du gouffre, le président étasunien ne s’y serait pas pris autrement. Seules les autorités israéliennes et leurs agences européennes telles que le CRIF [Conseil représentatif des institutions juives de France] ont applaudi cette méga-provocation; la communauté internationale toute entière s’est clairement désolidarisée de la décision de Trump et a mis en garde contre ses implications.

Car Jérusalem n’est pas uniquement une question israélo-palestinienne: Jérusalem est le cœur du monde arabe, le troisième lieu saint de l’Islam, sans compter le milliard de chrétiens pour qui c’est la ville où est née leur religion. La provocation de Donald Trump est bel et bien une bombe thermonucléaire qui secoue plus de la moitié de notre planète.

Si le secrétaire d’Etat étasunien Rex Tillerson a immédiatement tenté de relativiser les propos de son président en précisant que l’ouverture d’une ambassade à Jérusalem prendra pour le moins deux ou trois ans – ce qui revient à la repousser sine die –, le gouvernement Netanyahou et ses porte-paroles en Europe jettent de l’huile sur le feu. A l’instar du député français Meyer Habib qui, sur les plateaux de télévision, répète à l’envi qu’il est temps «d’arrêter de nier l’évidence: Jérusalem est la capitale d’Israël, c’est un fait, c’est là que se trouvent le parlement et le gouvernement de l’Etat d’Israël». Toute une philosophie. La force fait le droit; c’est la loi du plus fort, la loi de la jungle. Soixante-dix ans de droit international et de régulation des relations internationales sont balayés par un décret présidentiel étasunien.

Un jeune Palestinien disait devant les caméras que ce ne sont ni Trump ni Netanyahou qui décideront pour les Palestiniens quelle est leur capitale. Certes. Mais ce qui doit nous préoccuper, c’est le fait que le président des Etats-Unis se sente le droit de redessiner la carte du monde comme à l’époque coloniale, quand deux ou trois puissances faisaient et défaisaient des Etats, traçaient des frontières et déplaçaient des populations. Ne s’y sont pas trompés ces politiciens israéliens d’extrême-droite qui, saisissant la balle au bond, envisagent à nouveau de «nettoyer la capitale unique et éternelle du peuple juif» de sa population palestinienne…

Le premier effet de la décision de Donald Trump est de ramener la question palestinienne au cœur de la situation moyen-orientale et de recréer un large front arabe, voire musulman, aux côtés du peuple palestinien et de son combat pour la liberté et la souveraineté. Nul ne peut prédire les conséquences à plus long terme de la lame de fond provoquée par le locataire de la Maison-Blanche, y compris l’éventualité d’actions terroristes aux Etats-Unis ou en Europe.

Aux antipodes de la déclaration provocatrice de Trump, rappelons le très bel appel lancé en 1995 par Fayçal Husseini, dirigeant emblématique du mouvement national palestinien à Jérusalem, et signé par plusieurs centaines de personnalités palestiniennes et israéliennes. Cet appel, dénommé «Notre Jérusalem», affirmait que Jérusalem n’avait aucun sens si elle n’était pas à nous tous et toutes, Israéliens et Palestiniens, juifs, musulmans et chrétiens, occidentaux et orientaux. Un «nous» inclusif, opposé au «nous» possessif de Trump et Netanyahou. Seul ce nous inclusif peut nous permettre d’envisager la réalisation de la paix dans la région, une perspective inscrite dans le nom même1 value="1">Yeruwshalaim (Jérusalem): «fondement de la paix» en hébreu. de cette ville unique.
 

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Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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