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Eros n’est pas le monopole de l’homme

Ayant assisté à L’Or d’Eros, une lecture musicale d’Arthur H. et Nicolas Repac, lors de la soirée d’ouverture du festival La Fureur de Lire à Genève, Céline Yvon interpelle les deux artistes sur leurs choix littéraires.  
Lettre ouverte 

Oui j’ai aimé, très aimé votre compagnie de jeudi soir (23 novembre, ndlr). J’ai sombré avec vous dans l’éther acéré des mots, j’ai vibré au rythme de l’ombre. J’ai failli pleurer et jouir à la fois, petite mort poético-sonore. Vous m’avez touchée et fait redécouvrir les plus grands auteurs et conteurs, vous m’avez fait sourire.

Mais diable pourquoi – pourquoi donc vous en êtes-vous tenus à un érotisme plan-plan masculin? Pas de regard féminin mais une obsession très convenue des traditionnelles pute-soubrette-et-fillette. Entre fantasmes de mâles et objets de désir, sur la scène les vieillards baisent les jeunes filles, les bottines sont lubriques et les femelles rougissent. Bâillement.

Un chapelet de femmes passives, offertes, alors que notre monde vibre de la parole libérée des femmes, de l’affirmation de leur sexualité, de notre sexualité, d’un bras-le-corps érotique décidément pluriel. Votre glissement dans l’ancien monde, celui du patriarcat et des femmes-objets, alors que les scandales ambiants sont assourdissants. Malaise.

J’aurais tant aimé que vous vous fassiez l’écho des cris de Joyce Mansour, que les mots d’Annelyse Simao geignent sous vos cordes, que Nicole Brossard se répande en nappe sonore. Ah, qu’est-ce que j’aurais donné pour un rougissement ou une fausse note de votre part, témoins de votre trouble d’hommes. Frustration.

Revenez-nous et cette fois, émancipez-vous quelque peu de ces géants qui, si géants qu’ils soient, sont passé à côté du désir féminin. Faites parmi eux résonner la voix de ces femmes qui chantent leur corps leur soif leur sueur leur orgasme. Célébrez avec nous ces temps qui changent, et faites-nous toutes et tous vibrer. Car Eros n’est pas le monopole de l’homme, ne l’a jamais été.
 

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