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Respecter la loi et les droits des détenus

Dans une lettre circulaire transmise à Infoprisons, la conseillère d’Etat PS/ZH Jacqueline Fehr, présidente de la Conférence des chefs de Départements cantonaux de justice et police, exprime ses préoccupations face aux mauvais traitements infligés à des détenus récalcitrants, voire violents. Elle en appelle à une «culture des erreurs qui mette en lumière les zones d’ombre» et au respect du droit en toutes circonstances.
Prisons

Il est effrayant de lire certains commentaires online. On y trouve de tout depuis «envoyez-le en Sibérie» à «on devrait le laisser crever au régime sec» en passant par «il faudrait des prisons bien plus dures où on le matraque». Ces malédictions concernent un délinquant violent de 21 ans qui a déjà séjourné dans plusieurs prisons zurichoises.

J’appelle ce jeune homme B.K. Ici il ne s’agit plus du jeune délinquant «Carlos». L’exécution de peines est confrontée dans le cas de B.K. à de nouvelles formes de violence et de résistance. Le système juridique de l’exécution des peines se trouve remis en cause par des violations massives. Les agent-e-s de détention ne sont pas seulement confronté-e-s à des insultes déplorables et des menaces de mort. Ils-elles font face aussi à une propension à la violence inconnue jusque-là.

B.K. a reproché à une prison préventive zurichoise un traitement dégradant. Une enquête administrative vient d’établir qu’il y a eu effectivement des manquements graves et qu’une détention préventive correspondant à nos normes juridiques n’a pas été complètement assurée. Il n’y a rien là qu’on puisse accepter. Il ne s’agit pas de mauvaises intentions à l’origine de ces manquements. Les agent-e-s de détention ont été sans doute dépassé-e-s par une situation extrême. A cela s’ajoute le fait que le nouveau directeur de la prison n’a pas été à la hauteur de la situation et n’a, de ce fait, pas su soutenir et diriger son équipe.

Il existe une règle fondamentale, même pour un détenu si difficile et récalcitrant: «il a enfreint la loi, nous la respectons». Si nous ne suivions pas ce principe, nous reviendrions à une justice de lynchage et à la loi du plus fort. Les commentaires sur les réseaux sociaux vont dans ce sens.

Trouver le juste milieu entre le maintien de conditions de détention adéquates et la protection du personnel est un exercice exigeant et sensible. Il n’y a pas de recette miracle, seulement des rails de sécurité. Ils sont définis par notre Etat de droit. Il est crucial que des supérieurs hiérarchiques donnent des directives exemplaires pour mener des tâches si difficiles. Mais le rôle des collaborateurs est également décisif pour répondre aux défis quotidiens et se protéger eux-mêmes et l’Etat de droit dans des situations extrêmes.

Pour pouvoir travailler avec succès dans un secteur à haut risque comme l’exécution des peines, nous avons besoin d’une culture des erreurs qui mette en lumière les zones d’ombre. Pour ma part, je soutiens une telle approche. Je tiens à remercier tous les collaborateurs de l’exécution des peines de leur professionnalisme, même dans le cas présent.

PS: Nos regards inquiets se portent vers la Turquie et la Hongrie. Mais nous ne devons pas pointer les autres du doigt. Nous devons nous engager chez nous pour un Etat de droit, constamment et en dépit de tout.

* Trad. Karen Klaue. Texte paru dans le bulletin n° 21 d’Infoprisons, novembre 2017, www.infoprisons.ch

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