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La pédagogie anti-oppression

L'actualité au prisme de la philosophie

La pédagogie anti-oppression est un courant de la pédagogie critique qui est utilisé dans le cadre de l’éducation inclusive pour lutter contre les discriminations à l’égard des élèves issus de groupes socialement minorés.

Microphysique des oppressions

L’approche anti-oppression part de l’existence d’oppressions systémiques: de sexe, de racisation, de classe sociale… Une oppression constitue un préjudice dont est victime un groupe social en particulier. Selon cette approche, les oppressions se répercutent à plusieurs niveaux: systémique, institutionnel, interpersonnel…

La microsociologie se donne pour objectif de saisir la constitution des micro-oppressions dans les interactions interpersonnelles. Ces micro-oppressions peuvent néanmoins, par leur répétition, avoir un impact conséquent sur les existences individuelles, puis à un niveau macro-social. On peut prendre l’exemple du harcèlement scolaire. Subir une micro-violence n’est sans doute pas bien grave, mais leur répétition peut aboutir à la phobie scolaire, et même au-delà – dans les cas les plus extrêmes, au suicide. Le décrochage scolaire, phénomène macrosociologique qui fait l’objet de politiques publiques, est en partie imputable au harcèlement scolaire.

On peut distinguer plusieurs formes de micro-oppressions qui peuvent être produites par les enseignants ou par d’autres élèves. Il peut s’agir de micro-violences, comme c’est le cas dans le harcèlement scolaire. On peut également mettre en lumière les micro-inégalités (Mary Rowe). Il s’agit de petits actes qui contribuent à désavantager certains groupes sociaux, à l’inverse de micro-avantages qui favorisent d’autres groupes sociaux. Ces micro-oppressions peuvent prendre les formes de micro-discriminations actives ou passives. Cela signifie que le fait de s’abstenir d’agir peut provoquer des micro-discriminations. Par exemple, le fait de ne pas expliciter les attendus de l’école peut défavoriser les élèves les plus socialement éloignés de la culture scolaire.

Caractéristiques d’une pédagogie anti-oppression

La pédagogie anti-oppression se caractérise par plusieurs éléments. Elle suppose tout d’abord une conscientisation des enseignants. Ces derniers sont capables de connaître le caractère systémique des oppressions et les différents systèmes d’oppression sociale. Ils sont capables de se situer et de situer leurs élèves dans la matrice des oppressions. Ils sont capables de connaître les privilèges sociaux dont ils bénéficient. Un «privilège social» (McIntosh) est un avantage dont bénéficie une personne du simple fait de sa position sociale et dont elle n’est pas nécessairement consciente.

Une pédagogie anti-oppression consiste pour l’enseignant à adopter une posture d’allié-e vis-à-vis des élèves issus de groupes socialement minorés. Etre un-e allié-e ne signifie pas adopter une posture où l’on sait ce qui est bien pour l’autre, mais une posture où l’on fait avec l’autre.

L’enseignant-e qui adopte une pédagogie anti-oppression se donne pour objectif de faire de sa salle de classe un espace inclusif. Cela signifie être attentif à ne pas reproduire de micro-discriminations et de micro-violences sociales à l’égard des élèves issus de groupes socialement minorés. Pour cela, par exemple, il s’agit d’être attentif à ce que le matériel scolaire ne véhicule pas des préjugés négatifs à l’égard des groupes socialement minorés et ne les invisibilise pas non plus. Cela veut dire également être attentif à ce que les élèves entre eux ne reproduisent pas ce type d’attitude, par exemple à l’égard d’élèves en situation de handicap ou encore d’élèves LGBTI.

Enfin, une pédagogie anti-oppression est également une pédagogie anti-préjugés. Selon Louise Derman-Sparks et Julie Olsen Edwards, la pédagogie anti-préjugés vise quatre objectifs: a) renforcer l’estime de soi des élèves socialement minorés contre la menace du stéréotype; b) valoriser auprès des élèves la diversité: culturelle, de genres…; c) apprendre aux élèves à reconnaître les stéréotypes et à les déconstruire; d) renforcer leur capacité à lutter contre les préjugés et pour la justice sociale.

Opinions Chroniques Irène Pereira

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