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Recul tactique en Catalogne

Espagne

Le discours d’un homme d’Etat… sans Etat. En suspendant la déclaration d’indépendance pour offrir une chance à un hypothétique dialogue, Carles Puigdemont a déçu les plus fervents de ses supporters mais manœuvré de façon habile. La balle est maintenant dans le camp de Mariano Rajoy (jamais avare en autogoals spectaculaires). S’il demeure fidèle à sa politique du pourrissement, le gouvernement espagnol porterait à nouveau la responsabilité de l’aggravation de la crise. Or, depuis dix jours, ce jeu de l’esbroufe entre Madrid et Barcelone ne se joue plus à huis clos. L’Espagne et l’Europe y assistent médusées.

Le discours prononcé hier par le dirigeant catalan devant le parlement était historique, solennel mais sans emphase inutile. Après avoir parlé au cœur des nationalistes catalans, retraçant les lignes de fracture avec Madrid et la geste citoyenne du 1er octobre, Carles Puigdemont a fait appel à leur raison. Une déclaration d’indépendance dans les conditions actuelles aurait pris des airs purement déclamatoires. Une fuite en avant sans effet concret autre que de décrédibiliser le projet indépendantiste, tant la Catalogne ne paraît pas encore prête à payer le prix d’un affrontement généralisé avec l’Etat et le capital espagnols, adossés à l’establishment européen.

Si l’offensive a jusqu’ici plutôt réussi aux Catalans, une abrupte déclaration d’indépendance risquait de tout mettre par terre. Ce pas de côté permet de capitaliser cette dernière phase du conflit. De maintenir vive l’image du votant tabassé qui risquait de s’effacer au profit de celle de nationalistes intransigeants.

Le risque, pour Carles Puigdemont: que la démobilisation et la déception de ses troupes soient à la hauteur des espérances soulevées. Après avoir promis de raser gratis en cas d’indépendance, le mouvement catalaniste apprend, à la dure, la réalité des rapports de force. Les divisions entre courants séparatistes pourraient ressurgir violemment et certains, voyant la voie démocratique se fermer, choisir des méthodes plus radicales. En ce cas, le recul tactique du 10 octobre 2017 aura tourné à la reculade fatale. I

International Opinions Actualité Édito Benito Perez Espagne

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