Chroniques

Les violences domestiques exigent des autorités promptitude et diligence

Chronique des droits humains

Le 18 septembre dernier, le collège de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté la requête de l’Italie de porter devant la Grande Chambre une affaire dans laquelle ce pays avait été condamné pour violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, par arrêt du 2 mars 2017, une chambre de la Cour avait considéré, par 6 voix contre 1, que l’Italie avait violé le droit à la vie de la requérante et de son fils, à l’unanimité qu’elle avait violé l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et, par 5 voix contre 2, qu’elle avait violé l’interdiction de la discrimination garantie par l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 2 et 3 de la Convention.1 value="1">Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 mars 2017 dans la cause Elisaveta Talpis c. Italie, désormais définitif (1ère section).

La requérante s’était plainte au mois de juin 2012 auprès des forces de l’ordre que son époux, alcoolique, aurait porté des coups sur elle et sa fille. Les gendarmes trouvèrent le mari en état d’ébriété et constatèrent les plaies subies par la requérante et sa fille. Deux mois plus tard, la requérante fut à nouveau agressée par son mari avec un couteau; aux urgences de l’hôpital où elle se rendit par la suite, les médecins constatèrent un traumatisme crânien et de multiples lésions sur son corps. Elle fut par la suite hébergée par une association de protection des victimes. Le 5 septembre 2012, elle porta plainte pour lésions corporelles, maltraitance et menaces, demandant aux autorités de prendre des mesures d’urgence pour la protéger, elle et ses enfants. La requérante ne fut entendue sur cette plainte que le 4 avril 2013, soit sept mois plus tard, atténuant ses déclarations. Le 25 novembre 2013, la requérante fit de nouveau appel aux forces de l’ordre en raison d’une dispute avec son mari qui, ivre, fut emmené à l’hôpital. Après sa sortie dans la nuit, il rentra dans l’appartement familial, armé d’un couteau de cuisine pour agresser la requérante. Il poignarda leur fils qui s’était interposé et qui décéda de ses blessures, la requérante ayant aussi été frappée de plusieurs coups de couteau à la poitrine.

La Courrappelle que tant l’article 2, protégeant la vie, que l’article 3, prohibant la torture ainsi que les traitements inhumains et dégradants, doivent être considérés comme des clauses primordiales de la Convention, car ils consacrent des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques formant le Conseil de l’Europe. Libellés en termes absolus, ils ne prévoient ni exceptions ni limitations et ne souffrent nulle dérogation.

Les enfants et autres personnes vulnérables – dont font partie les victimes de violences domestiques – ont en particulier droit à la protection de l’Etat, sous la forme d’une prévention efficace, les mettant à l’abri de formes aussi graves d’atteinte à l’intégrité de la personne. Cela contraint l’Etat à mettre en place un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’une part d’établir la cause du meurtre d’un individu et d’autre part de punir les coupables. Dans certaines circonstances, l’Etat doit adopter préalablement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d’autrui.

La Courrelève que dans le cas de la requérante, il fallut sept mois après le dépôt de sa plainte pour qu’elle fût entendue et qu’aucune ordonnance de protection n’avait été émise entretemps. Les autorités italiennes avaient ainsi privé la plainte de toute efficacité, créant un contexte d’impunité favorable à la répétition par le mari de ses actes de violences à l’encontre de sa femme et de ses enfants.

Ce printemps, les Chambres fédérales ont autorisé le Conseil fédéral à ratifier la Convention d’Istanbul du 11 mai 2011 relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée par la Suisse au mois de septembre 2013. Le délai référendaire contre cette ratification court jusqu’au 5 octobre prochain.

Cette convention prévoit en particulier que les Etats prennent des mesures législatives ou autres pour que les enquêtes et les procédures judiciaires soient traitées sans retard injustifié et pour garantir une enquête et une poursuite effectives des infractions (art. 49). Ils doivent également prendre des mesures législatives ou autres pour que les services répressifs répondent rapidement et de manière appropriée à toutes les formes de violence couvertes par la convention et engagent rapidement et de manière appropriée la prévention et la protection contre toutes ces formes de violences, y compris l’emploi de mesures opérationnelles préventives et la collecte de preuves (art. 50).

Notes[+]

Opinions Chroniques Pierre-Yves Bosshard

Chronique liée

Connexion