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Apprentis sous risque de maltraitance

Depuis la fin des années 1990, le harcèlement sur le lieu de travail fait partie du débat public. Si des mesures de protection se mettent en place, la violence psychologique reste une problématique qui nécessite un encadrement soigné et vigilant. Personne n’est à l’abri – mais la phase de transition délicate vécue par les adolescents peut faire d’eux une cible très exposée.
Suisse

«Ma cheffe m’insultait tous les jours sans raison et toujours devant les autres collègues!» (Emma, 18 ans); «Mon prénom était ‘l’apprentie’, personne ne me parlait, la nuit je n’en dormais pas et j’ai longtemps arrêté de manger» (Chloé, 16 ans); «Je passais mon temps à nettoyer l’outillage automobile sans jamais pouvoir regarder le moteur d’une voiture… je faisais ce que personne d’autre ne voulait faire» (Elias, 17 ans).

Emma, Elias et Chloé ne se connaissent pas, ils ont grandi dans différentes villes suisses et pourtant, se ressemblent: ils sont des adolescents, apprentis et victimes de maltraitances sur le lieu de travail.

La fin de la scolarité obligatoire oblige tous les adolescents à devoir prendre une décision importante: poursuivre leur parcours scolaire ou sortir du monde de l’école pour franchir la porte de l’univers du travail. Cette deuxième option est, chaque année, le choix privilégié d’environ 70% des jeunes suisses. Si d’une part cela peut représenter un tremplin pour une carrière entourée de personnes compétentes et capables de créer un environnement de travail amical, cela peut d’autre part révéler une hiérarchie tyrannique où le pouvoir reste dans les mains d’un cercle restreint qui méprise les employés et perturbe l’harmonie entre collègues.

La Suisse est souvent connue pour ses conditions de travail exemplaires mais, malgré cela, 36% des employés déclarent travailler dans des conditions de tension, alors que 15% ont déjà subi des situations d’injustice. D’autres formes de maltraitances sont relevées, comme le mobbing, les discriminations, le harcèlement sexuel, la violence physique, etc. Dans ces situations, l’intégrité personnelle des travailleurs est menacée et les conséquences peuvent se traduire par des troubles du sommeil, une augmentation du stress, une diminution du bien-être psychologique, une perte de l’estime de soi, la dépression, la solitude, etc.

La difficulté de la transition de l’âge enfant à l’âge adulte et de celle du monde scolaire au monde du travail rendent le statut de l’adolescent particulièrement fragile et vulnérable, et la maltraitance sur le lieu de travail peut entraver le développement équilibré du jeune. Pour y pallier, un réseau d’acteurs compétents est mis en place et demeure nécessaire pour supporter l’adolescent et l’aider à surmonter des situations contraignantes au travail. Peut-être qu’un effort majeur devrait être entrepris dans le but de lutter contre toute forme de maltraitance et de harcèlement et favoriser un lieu où l’enfant puisse connaître le monde du travail et des adultes dans des conditions harmonieuses. Mais comment prévenir et préserver le petit cocon qui permet à l’adolescent de se transformer en papillon?

* Etudiantes en Maîtrise universitaire interdisciplinaire en droits de l’enfant (MIDE) à l’université de Genève. Article en version longue et références bibliographiques à retrouver sur www.childsrights.org/actualites/editoriaux/1561-jeunes-apprentis-harceles

Opinions Agora Arianna Isolini et Mara Menghetti Suisse

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