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La loi sur la Nation, une régression de plus

AU PIED DU MUR

Dans toutes ses lois constitutionnelles, Israël se définit comme Etat juif et démocratique, le second épithète visant a réduire le caractère excluant du premier. Je me suis souvent exprimé sur cet oxymore: un Etat juif ne peut être un Etat démocratique, et l’Etat d’Israël méritera le nom de démocratique quand il sera l’Etat de tous ses citoyens.

Nous sommes témoins aujourd’hui d’un changement de définition. «Il était temps!» dira-t-on. Malheureusement, le changement préparé par une commission ministérielle et qui sera prochainement soumis au vote du parlement va dans le sens opposé a un élargissement de la démocratie. En effet, le projet de loi sur la Nation va, pour la première fois, renoncer à la définition d’«Etat juif et démocratique» pour la remplacer par: «Etat juif ayant un régime démocratique».

Alternativement, certains ministres vont jusqu’à escamoter complètement le mot «démocratique» et proposent: «Un Etat juif dans l’esprit des principes de la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël.»

D’aucuns diront que cette initiative constitutionnelle est positive, puisque ainsi Israël met fin à l’hypocrisie et qu’enfin l’Etat juif assume son caractère raciste. Je ne partage pas cette opinion: à mes yeux le racisme honteux, parce qu’il est honteux, est préférable au racisme assumé. Ce qui caractérise le pouvoir en place, c’est la volonté de faire passer un double message: aux Juifs qu’ils sont les seuls véritables citoyens dans l’Etat juif, et pour la minorité arabe qu’ils sont des citoyens de deuxième zone dont les droits civiques peuvent à n’importe quel moment être remis en questions ou tout au moins rognés.

Depuis longtemps déjà, l’extrême droite au pouvoir met en place cette contre-réforme constitutionnelle et a petit à petit exclu de son discours politique le concept de démocratie. Comme l’écrit l’éditorialiste du Haaretz (10 Juillet 2017): «Il existe en Israël une opposition à la finalisation de la chartre constitutionnelle des droits de l’homme [entreprise dans les années 1980], même si elle ne contient pas explicitement le droit à l’égalité qui est pourtant le socle d’un régime démocratique.» En d’autres termes, non seulement on n’affirme pas l’égalité, mais on se refuse à reconnaître constitutionnellement les droits civiques de la minorité. Quand le ministre de l’Education, Naftali Benett, disait qu’il était temps de rééquilibrer entre Etat juif et Etat démocratique, il annonçait la couleur et surtout la direction du mauvais vent qui souffle sur l’Etat d’Israël.

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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