Cinéma

Les super-paradoxes de «Wonder Woman»

Les super-paradoxes de «Wonder Woman»
Cinéma

Si la nomination de Wonder Woman comme ambassadrice de l’ONU pour les droits des femmes avait suscité des protestations indignées en 2016, le long métrage que lui consacrent aujourd’hui Warner Bros. et DC Comics semble faire l’unanimité. Dans la déferlante actuelle de films de super-héros, il est réjouissant de voir enfin Hollywood promouvoir à nouveau une icône féminine, après Catwoman (2003) et Elektra (2004). Et de bon aloi que la réalisation soit confiée à une femme, Patty Jenkins nous épargnant les plans libidineux auxquels aucun de ses confrères n’aurait résisté!

La princesse amazone Diana, partant combattre Arès dans les tranchées de 14-18, y apparaît désormais plus guerrière que pin-up, éclipse sans peine ses comparses masculins et mène le récit. On a même droit à deux ou trois répliques raillant avec humour le patriarcat… Ce qui ne fait pas de Wonder Woman un film féministe pour autant. L’avancée est surtout d’ordre symbolique, à en juger par l’accueil enthousiaste du public féminin de tous âges, ayant trouvé là une figure d’identification galvanisante. L’immense succès de ce blockbuster invite en outre les producteurs à réviser leurs préjugés machistes, selon lesquels les super-héroïnes ne feraient pas recette. Wonder Woman a-t-elle ainsi ouvert une brèche dans ce genre viril?

Quoi qu’il en soit, le personnage reste ambivalent et son incarnation recèle d’autres paradoxes, qui tiennent à son interprète Gal Gadot. Ex-Miss Israël, qui posait en 2007 pour une série de photos sexy dédiée aux femmes de Tsahal dans le magazine américain Maxim, l’actrice avait déclenché une polémique en 2014, lorsqu’elle affichait sur les réseaux sociaux son soutien aux forces israéliennes en pleine Guerre de Gaza. Il y a comme un hiatus à voir aujourd’hui le message de paix et d’amour de Wonder Woman délivré la larme à l’œil par une fervente patriote qui adressait alors «son amour et ses prières» à ses camarades de l’Armée de défense d’Israël bombardant la population de Gaza.

En réaction à ses déclarations, le film a été interdit au Liban et en Tunisie, puis sa distribution suspendue en Algérie, tandis que l’organisation pro-palestinienne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanctions) mène encore campagne aux Emirats, en Jordanie et en Egypte. En Suisse romande, le malaise est d’autant plus criant que, depuis mercredi, Wonder Woman partage l’affiche avec Ghost Hunting du Palestinien Raed Andoni. Un documentaire édifiant où d’anciens détenus rejouent leur expérience traumatisante des prisons israéliennes… Si on apprécie le triomphe d’une super-héroïne, dans ce divertissement dépassé par ses enjeux, le réel reprend ses droits sur la culture populaire. Ou, comme ironisait un internaute sur Twitter, «c’est une bonne chose pour la Palestine que Gal Gadot ne soit pas vraiment Wonder Woman».

Culture Opinions Cinéma Édito Mathieu Loewer Cinéma

Connexion