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PlazaCittà

L'Impoligraphe

C’est l’histoire d’un cinéma qu’on ne veut pas laisser crever: le Plaza, à Chantepoulet. Et que le projet de ses propriétaires, qui n’en ont rien à cirer ni du cinéma en général ni de ce cinéma en particulier, est de bazarder, au strict sens du terme: le détruire pour construire à sa place un bazar, un centre commercial et, sous le bazar, un parking. Ce projet a obtenu du canton de Genève une autorisation de construire, après que le Conseil d’Etat a eu l’étrange idée de «déclasser», pour de triviales et médiocres raisons de rentabilité, une salle qu’il avait lui-même classée et intégrée dans un ensemble architectural classé. Compte tenu de la résignation et de l’inertie des autorités cantonales et municipales, il ne reste donc que la voix populaire qui puisse être assez forte pour sauver le Plaza et en faire le centre d’un véritable «quartier du cinéma». C’est cette voix qu’une bande d’irréductibles sollicite, par une initiative populaire législative proposant l’expropriation, pour cause d’utilité publique et au bénéfice de la Ville de Genève, de la société propriétaire de la salle. L’initiative devra obtenir 7524 signatures valables, dans un délai de quatre mois à dater du 1er juin.

C’est un petit chef-d’œuvre que nous voulons sauver, en le ressuscitant et en en faisant le cœur d’un lieu culturel nouveau, voué essentiellement (mais non exclusivement) au cinéma. Le bâtiment abritant la salle du Plaza, construit par le même architecte qui a conçu la salle, Marc-André Saugey, a été classé en 2004 malgré l’opposition du propriétaire. Il a été classé parce qu’il est exemplaire de l’innovation architecturale de l’époque, et qu’il le reste après les rénovations qui y ont été effectuées en 1997. Hélas, le Conseil d’Etat a retiré la salle de cette mesure de protection en s’appuyant sur une «expertise» sur la rentabilité de la salle, expertise rendue pour l’ancien exploitant, qui a bien entendu émis un rapport défavorable puisqu’il avait renoncé à l’exploitation de la salle précisément parce qu’elle ne lui rapportait pas assez. La salle n’est donc pas classée alors qu’elle est aussi exemplaire que le bâtiment qui l’abrite et qui, lui, est classé. Cette contradiction, inexplicable autrement que par la soumission au seul argument du profit financier, menace aujourd’hui le Plaza de destruction pure et simple.

En plus de l’enjeu patrimonial, il y a, au sauvetage (ou à l’abandon) de la salle du Plaza, un enjeu politique: le plan d’utilisation des sols de la Ville de Genève pose comme principe le maintien de l’affectation initiale des surfaces faisant l’objet d’une rénovation ou d’un changement de propriétaire, sauf s’il est avéré que ce maintien est impossible pour des raisons financières. Les lieux d’animation, dont les cinémas, doivent donc conserver «en règle générale leur catégorie d’activité en cours d’exploitation». Autrement dit: ce qui est un cinéma doit rester un cinéma, ou à tout le moins une salle de spectacle, à moins de prouver qu’il est impossible de le rentabiliser. D’où les efforts considérables déployés par les propriétaires actuels pour le prouver, avec l’aide de l’ancien exploitant – certains considérant d’ailleurs que la première cause du défaut de rentabilité de la salle était une programmation médiocre, dont quelques-uns se demandaient malignement (les gens sont méchants) si elle ne l’était pas volontairement…

Que faire du Plaza? Cette salle splendide a toutes les qualités nécessaires à un projet culturel: elle est située au centre-ville, accessible facilement par transports publics, à deux pas de la gare et des quais, et entourée d’un espace qui peut être requalifié, et dans lequel des activités en lien avec la sienne – le cinéma – peuvent être proposées, de telle manière qu’elle redevienne un lieu de socialisation, de sorties, de visites. Car un cinéma n’est pas seulement un lieu de projection: c’est un espace social – et c’est peut-être de l’avoir oublié que des salles ont périclité. Autour d’un film, on peut proposer des événements, des spectacles, des expositions, des prolongements au film et des accompagnements du film – et des spectateurs… en un lieu qui ne sera pas seulement une salle de projection, mais aussi un café-restaurant, une librairie, un espace d’exposition – pas seulement un lieu de spectacle, mais aussi un lieu de rencontres, dans ce qui est, s’agissant du Plaza, une véritable œuvre d’art que des sagouins s’apprêtent à détruire pour en faire un souk.

Alors, à vos signatures1 value="1">Feuilles de signatures à télécharger sur http://bit.ly/2s1yHJm Pour plus d’informations et d’éléments de débat: Groupe Facebook «Le Plaza ne doit pas être démoli», http://fb.me/PlazaCitta, les gens!

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