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Un géant de la littérature arabe honoré à Bruxelles

AU PIED DU MUR

A l’initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain, une chaire Mahmoud Darwich a été inaugurée au Centre Bozar de Bruxelles le 25 janvier. Cette consécration fait justice à l’un des plus grands écrivains et poètes arabes de notre temps. Dans toute la région arabe, quasiment n’importe quel jeune – et moins jeune – connaît certains de ses poèmes par cœur, ou est du moins capable d’en citer quelques lignes de mémoire.

Géant de la littérature arabe, Darwich, décédé en 2008 aux Etats-Unis, était avant tout LE poète national palestinien et ce, dès les années soixante, quand il a publié ses premiers textes dans Al-Jadid, le supplément culturel du quotidien communiste Al-Ittihad. Mahmoud Darwich a vécu dans sa chair l’oppression coloniale de son peuple: réfugié de l’intérieur, c’est-à-dire déplacé, enfant, de Birwi, son village natal, vers le village de Jdeideh, il a été soumis jusqu’en 1965 au régime de l’administration militaire, avant de vivre trente ans d’exil.

S’il a toujours refusé d’être présenté comme un poète politique, Mahmoud Darwich n’en était pas moins un homme profondément engagé dans le combat de son peuple pour sa souveraineté nationale. Quand il quitte sa patrie pour Le Caire, puis Tunis et Paris, il rejoint l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) dont il deviendra plus tard membre du Comité exécutif.

Au moment où la Belgique célèbre Mahmoud Darwich, je ne peux pas ne pas me souvenir du scandale provoqué à son propos par la ministre israélienne de la Culture (sic), Miri Regev. C’était le 26 septembre dernier: au cours d’un événement culturel qu’elle présidait, cette ancienne générale de brigade responsable de la censure militaire a quitté la salle parce qu’on y lisait un poème de Darwich. A ce propos, j’écrivais dans mon blog en hébreu: «A quoi ressemble le comportement de Regev? A Donald Trump qui attaquerait Albert Einstein sur la loi de la relativité, ou à un gamin de 5 ans qui critique une peinture de Van Gogh (…) Mahmoud Darwich n’a pas besoin de sa reconnaissance: depuis longtemps il est entré au Panthéon de la culture mondiale contemporaine. Une ministre de la Culture digne de ce nom aurait tout fait pour honorer la culture israélienne en y intégrant Darwich, après qu’il en eut été exclu pendant des décennies.»

A l’inverse, la Belgique vient, ces jours-ci, de s’honorer en honorant celui que tous les Palestiniens appellent simplement «Mahmoud».

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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